COMMUNICATIONS ELECTRONIQUES

Refonte du paquet Télécoms : renforcement des droits du consommateur et développement de la concurrence (publié en 2010)

Depuis le 19 décembre dernier, la législation européenne en matière de télécommunications (connue sous l’appellation « paquet télécoms » a été refondue. De nouveaux textes sont ainsi entrés en vigueur :
 
- La directive 2009/140/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2009 modifiant les directives 2002/21/CE relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques, 2002/19/CE relative à l’accès aux réseaux de communications électroniques et aux ressources associées, ainsi qu’à leur interconnexion, et 2002/20/CE relative à l’autorisation des réseaux et services de communications électroniques.
 
- La directive 2009/136/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2009 modifiant la directive 2002/22/CE concernant le service universel et les droits des utilisateurs au regard des réseaux et services de communications électroniques,


- La directive 2002/58/CE concernant le traitement des données à caractère personnel et la protection de la vie privée dans le secteur des communications électroniques et le règlement (CE) n° 2006/2004 relatif à la coopération entre les autorités nationales chargées de veiller à l’application de la législation en matière de protection des consommateurs ;
 
- Enfin, le Règlement (CE) n° 1211/2009 du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2009 instituant l’Organe des Régulateurs Européens des Communications Electroniques (ORECE) ainsi que l’Office
 
La tendance de ces textes est double, d’une part en faveur d’un renforcement des droits du consommateur et d’autre part en faveur du développement de la concurrence.
 
 
a) Les dispositions renforçant les droits des consommateurs
 
Plusieurs mesures, en effet, sont favorables au consommateur : désormais, celui ci pourra changer d’opérateur fixe ou mobile en seulement un jour ouvrable tout en conservant son numéro (portabilités des numéros) ; la durée initiale d’un contrat signé avec un opérateur ne pourra pas dépasser 24 mois et ces derniers devront également proposer des contrats d’une durée maximale de 12 mois (ce que la loi Chatel du 3 janvier 2008 avait déjà instauré en France – voir Sulliman Omarjee, La loi Chatel entre en vigueur ce 1er juin. Le secteur IT est concerné au 1er chef : http://www.droit-technologie.org/actuality-1142/la-loi-chatel-entre-en-vigueur-ce-1er-juin-le-secteur-it-est-concerne.html ). L’information des consommateurs sera améliorée puisque les contrats devront mentionner le niveau de qualité minimale du service (ce qu’un arrêté du 16 mars 2006 relatif aux contrats de communications électroniques impose déjà en France), les indemnisations et remboursements si ces niveaux ne sont pas atteints, la possibilité de figurer ou pas dans des annuaires téléphoniques, enfin être plus clairs sur les critères permettant de bénéficier d’offres promotionnelles.
 
Dans la même lignée, la protection des données personnelles est renforcée par deux type de mesures : d’une part, les fournisseurs de communications devront notifier aussi bien aux autorités qu’à leurs clients de toute violation de leurs données personnelles et tenir un inventaire des attaques subies ainsi que des mesures prises en conséquences ; d’autre part la lutte contre le spam se durcit avec la possibilité d’une action en justice contre les spammeurs et des sanctions pour les fournisseurs de communications électronique négligents, étant rappelé que le principe en la matière reste l’opt-in (= solliciter le consentement de la personne préalablement à tout envoi ce qui exclut les systèmes de cases pré-cochées) 
 
S’agissant du fameux amendement 138 lequel concerne la possibilité ou pas de couper l’accès Internet d’un consommateur, il aura été la cause principale du retard de l’adoption du nouveaux paquet télécom tant il a déchainé les passions. En effet, il s’agissait d’un texte « anti-hadopi » mettant à mal le principe de la riposte graduée initié en France par le Président Sarkozy et visant à sécuriser l’accès Internet comme une liberté fondamentale à laquelle on ne peut toucher. Alors que la version déposée par l’euro-député socialiste Guy Bono était plus radicale mais compréhensible, celle finalement adopté ressemble plus à un compromis mou visiblement dicté par le souci d’éviter la paralysie de l’adoption de tout le paquet télécom en entrant en conflit avec le Conseil de l’Union Européenne :
 
Version déposée par l’eurodéputé Bono :
«  Aucune restriction ne peut être imposée aux droits et libertés fondamentaux des utilisateurs finaux sans décision préalable des autorités judiciaires  ».
 
Version finale adoptée sur proposition de Catherine Trautman :
« Les mesures prises par les États membres au regard de l’accès des utilisateurs et l’usage des services et des applications au travers des réseaux de communications électroniques doivent respecter les droits fondamentaux et les libertés des personnes, tels qu’ils sont garantis par la Convention européenne des droits de l’homme et les principes généraux du droit communautaire.

Ces mesures de nature à restreindre ces droits ou libertés fondamentaux peuvent seulement être imposées si elles sont appropriées, proportionnées et nécessaires dans une société démocratique. Elles doivent être soumises à des garanties procédurales appropriées en conformité avec la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et avec les principes généraux du droit communautaire, y compris la protection judiciaire effective et le droit à un procès équitable. En particulier, ces mesures ne peuvent être adoptées qu’à la suite d’une procédure équitable et impartiale, assurant, notamment, que le principe de la présomption d’innocence et le droit pour la personne d’être entendu soient pleinement respectés. En outre, le droit à un recours juridictionnel effectif et en temps utile doit être garanti »
 
Derrière ce jargon juridique compliqué maquillé de références aux droits fondamentaux, la « neutralisation » de l’amendement 138 (pour reprendre l’expression de Jérémie Ziemmerman) est, à mon sens, certaine : le principe de la coupure de l’accès Internet est désormais acquis en droit européen mais sa mise en application reste soumise au respect des droits fondamentaux dont celles du procès équitable. Vu la complexité du texte, l’application par les juristes n’en sera pas moins compliquée à l’exemple du triple test en matière de droit d’auteur lequel conditionne désormais l’appréciation des exceptions au monopole de l’auteur.
 

b) les dispositions encourageant le développement de la concurrence dans le secteur des communications électroniques
 
D’autres mesures ont pour objet le développement de la concurrence entre les opérateurs de communications électroniques  : en premier lieu, la commission européenne pourra désormais contrôler les mesures de régulation proposées par les autorités nationales (type ARCEP), voire agir par voie de recommandations ou de décisions contraignantes, afin d’harmoniser le marché unique des télécommunications et éviter que des règles incohérentes engendrent des distorsions de concurrence. Ces mêmes autorités nationales disposeront d’un moyen de régulation supplémentaire pour, en dernier recours, exiger la séparation fonctionnelle entre les activités de réseaux et de service des opérateurs. En clair, un opérateur disposant de son propre réseau, qui à la fois l’exploite auprès d’autres opérateurs (marché de gros) et est également fournisseurs de communications électroniques auprès des clients finaux (marché de détail), devra dissocier ces deux activités. Ce sont les opérateurs historiques qui sont principalement visés par cette mesure.
 
Dans ce contexte, une nouvelle instance européenne destinée à assurer une concurrence équitable et une cohérence accrue de la réglementation sur les marchés de télécommunication est créée : l’ORECE (Organe des Régulateurs Européens des Communications Electroniques).
 
La nouvelle réglementation européenne souhaite accélérer la diffusion du haut-débit pour tous les européens. Elle souhaite également encourager la concurrence et l’investissement dans les réseaux d’accès de nouvelles génération (NGA – technologie fibre optique et sans fil) : tout en prenant en compte l’importance des investissements et le risque à donner l’accès à des réseaux NGA, les nouvelles règles invitent à la conclusion d’accords de coopération entre investisseurs et opérateurs souhaitant accéder à ces réseaux. Dans cette optique, la Commission publiera au premier semestre 2010 une recommandation sur la régulation de l’accès aux réseaux NGA.
 
Sur ce dernier point, il est à noter que la Loi pour la Modernisation de l’Economie du 4 août 2008 comportait un volet télécom destiné à encourager le développement du très haut débit en France et qui semble compatible avec les exigences de la nouvelle législation européenne ( voir Sulliman Omarjee, Avec la LME, le Très Haut- Débit tire sa fibre : http://www.journaldunet.com/ebusiness/expert/30784/avec-la-lme—le-tres-haut-debit-tire-sa-fibre.shtml )
 
 
Ces nouvelles dispositions doivent être transposées en droit national par les Etats membres avant le 25 mai 2011. La législation française était déjà en avance sur cette évolution européenne qu’elle avait anticipée tant par la loi Chatel que par le volet télécom de la LME. C’est pourquoi il est probable que la transposition de ces nouvelles règles en droit français se traduise par un toilettage de l’existant plutôt que d’un bouleversement de la législation sur les communications électroniques.

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