mercredi 15 octobre 2014

LE JUGE ADMINISTRATIF N'EST PLUS COMPETENT EN DROIT D'AUTEUR

Une importante décision du tribunal des conflits rendue le 7 juillet dernier  clarifie les règles de compétences entre les juridictions administratives et judiciaires sur les litiges liés à la propriété littéraire et artistique : le juge administratif est dépossédé du pouvoir de trancher de telles questions, lesquelles tombent, depuis la loi du 17 mai 2011, dans l'escarcelle du juge judiciaire   ( T. Confl., 7 juillet 2014 , nº3954 et 3955).

L'IMPACT DE LA LOI DU 17 MAI 2011 SUR LA COMPÉTENCE DU JUGE ADMINISTRATIF
 
Les faits étaient simples : un photographe s’était plaint de l'usage non autorisé de ses photographies par la Maison départementale des personnes handicapées de Meurthe et Moselle et par le Département de Meurthe et Moselle.

Saisi par le Conseil d'Etat par deux espèces, le Tribunal des Conflits fait application de la loi du 17 mai 2011 qui fait de certains TGI des juridictions spécialisées en matière de propriété intellectuelle avec une compétence EXCLUSIVE, notamment en  propriété littéraire et artistique en vertu de l'article L 331-1 du Code de Propriété Intellectuelle. Tirant les conséquences de cette loi, le Tribunal des conflit confirme la dépossession du juge administratif des contentieux relatifs au droit d'auteur depuis son entrée en vigueur.

En particulier, il est intéressant de noter que le Juge des conflits déclare expressément que l'article L 331-1 du CPI déroge à la compétence du juge administratif en matière de contrats administratifs et marché publics : tout litige né d'une action contre une personne publique au titre d'un droit d'auteur relève du juge judiciaire et ce malgré le caractère administratif du contrat en cause.

QUELLES SONT LES CONSÉQUENCES DE CETTE DÉCISION

Le Juge des conflits emboite le pas au législateur en mettant en application la loi du 17 mai 2011 qui veut que les litiges concernant la propriété intellectuelle soient désormais tranchés par des juridictions spécialisées en la matière.

Le juge administratif n’était peut être pas spécialisé en propriété intellectuelle mais il défendait néanmoins le droit d'auteur tout en cultivant sa sensibilité pour l'Administration. Son expropriation de la matière peut donc se traduire par des jugements à venir plus protecteurs des ayants droits et moins clément pour l'Administration.

Or les personnes morales de droit public manipulent fréquemment la propriété intellectuelle ce qui est illustré d'une part par les exceptions figurant à l'article 3 du Code des marchés public excluant l'obligation de mise en concurrence en présence d'un droit intellectuel existant, ou encore la publication d'un Cahier des Clauses Administratives Générales propres aux Prestations Intellectuelles. Elles font régulièrement l'acquisition d’œuvres à créer par exemple lors de marché d’études ou encore de communication, voire de photographies comme ce fut le cas en l'espèce.

La vigilance est donc de rigueur et toute clauses de cession de droit devra désormais prévoir la compétence du juge judiciaire.

De son coté le requérant se plaignant de contrefaçon n'aura plus à se poser la question de savoir devant quelle juridiction agir : cette simplification est louable dans le sens de l'administration d'une bonne justice.

Enfin cette décision parachève une construction jurisprudentielle déjà initiée par le Tribunal des Conflits puisqu'elle avait déjà fait échapper de la compétence du juge administratif les brevets ( T. Confl., 6 juin 1989), les marques (T.Confl., 27 juin 1988) et les Dessins et Modèles (T.Confl., 2 mai 2011).
La boucle est aujourd'hui bouclée.

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