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Bien entendu il s'agit de ma propriété intellectuelle que je mets à disposition pour des fins pédagogiques exclusivement.
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DECRYPTER LE DROIT DU CYBERESPACE... Ce blog est à destination de tous public désireux de s’informer sur le droit de la propriété intellectuelle, de l’informatique, de l’Internet et des réseaux. Il est également le complément indispensable des cours universitaires que je dispense sur l’île de La Réunion et a l’ambition, à travers ses différents contenus, d’accompagner les étudiants de manière utile tout au long de leurs révisions.
jeudi 20 juin 2013
jeudi 25 avril 2013
BILETA 2013: THE RIGHT OF SHARING: WHY SHOULD COPYRIGHT LAW CHANGE INTO A NEW ECONOMIC MODEL
Ci-après l'ABSTRACT de l'article que j'ai soumis au BILETA 2013 qui s'est tenu du 10 au 13 avril 2013 à Liverpool. Cet article a donné lieu à une présentation suivi d'un échange avec le public composé d'un panel de cyberlawyers anglo saxons.
BILETA est la plus importante association d'experts en propriété intellectuelles et NTIC en Grande Bretagne, composé d'enseignants et d'avocats anglais, irlandais et écossais. Ce fut un réel honneur que de pouvoir apporter ma contribution aux débats et groupe de travail d'une exceptionnelle qualité lors de cette manifestation.
THE RIGHT OF SHARING:
WHY SHOULD COPYRIGHT LAW CHANGE INTO A NEW ECONOMIC MODEL
SULLIMAN OMARJEE
IP/IT LEGAL COUNSEL IN
REUNION ISLAND
LECTURER IN CYBERLAW AT UNIVERSITY OF LA REUNION
(FRANCE)
ABSTRACT:
Should copyright legal concepts
change its fundamentals focused on the protection of work and authors, to move
on toward recognition of more user’s rights like the right of freely accessing
any content and share it?
If asked years ago, this question
for sure could have been considered as provoking, denying copyright owners
legitimacy for protecting their work. Does it still now?
During years, the battle against
online piracy has raged around the world with multiple legal assaults from
majors companies and numerous condemnations of Internet users. Whether in USA, Australia,
France…
law and case law have drawn a frontier between what can be a lawful use of a
copyrighted content and what is not. The European Union Copyright Directive of
2001 has provided new legal tools to lock mediums and prevent users from doing
copies, removing the lock being an infringement. More recently, the sensitive
debates on the US
bill known as SOPA and PIPA have raised the point to know if protecting
copyright allows attempting to privacy and civil liberties in order to identify
every infringer.
However, despite of the ongoing
battle, the shape of the Internet and the behaviours of users have never
stopped moving and escaping legal restrictions. MP3 files still exist and
continue to be used to share music and the same goes for films with Divx file:
they have not been eradicated by copyright owners. Surprisingly, they are even
included in home or personal devices like DVD or CD players… Years ago Napster
was facing important legal issues for being the first Internet file swapping
system ; today users have choices between many others technologies and
platforms : peer to peer, bittorent or streaming ! In other words, all legal
issues and trials raised by unlawful access to copyrighted work with the
Internet did not terminate the technological evolution, nor did it terminate the
user’s habit to copy and paste!
At the current time of tablets,
smartphones, cloud computing and social networks, nowadays users ‘s
expectations consist more than ever in accessing any digital content anywhere,
anytime ! The complete construction of a web page has changed as it now offers
specific buttons to share any accessed content to your tweeter, facebook or
linkedin account, whether it is text, images or videos! Yes, sharing has now
become a complete functionality of web pages, allowing endless possibilities of
broadcasting any information on any portable devices! It has become impossible
to control the spread of information on the Internet: as soon as content is on
line, everyone can access it and share it which means unlimited copies.
We are in the middle of a permanent
revolution with the abandon of medium for digital file. Should we worry when
the sell of mediums like CD or DVD are falling, whereas the sell of digital
file are increasing at an exponential level, as Apple proved it by launching
his appstore and itunes?
It is therefore important to
understand the shift our cultural industries are facing and help copyright law
to acknowledge the existence of the right of sharing, by finding a new balance
between two opposite interests: the user’s interest to access and share a
digital content, and the interest of the creator of that content to be
recognised as such and get paid for his contribution.
In fact the question is no longer
about how stopping and condemning users from sharing copyrighted content, but
how to ensure a fair compensation for copyright owner.
This paper offers a careful study of
the right of sharing and why copyright law should no longer ignore its
existence. It explores the possible foundation of this notion into the
mechanisms of “copyleft” suggested by Mr Richard Stallman’s Free Software
Licence, the similar concept of Open Source software licence, and the Creative
Commons licence for any non software contents.
The paper underlines the interest
for copyright owner to use the digital technology to broadcast their work but
also the need of ensuring a legitimate compensation. Only then will legal
disputes for online piracy be able to cease.
jeudi 4 avril 2013
Interview ce jour dans le JIR à propos du site litigieux
A lire dans le JIR d'aujourd'hui ou sur le site CLICANOO une interview sur un site utilisant un nom de domaine en .RE et publiant des informations personnelles et confidentielles sur des personnalités américaines ou britanniques.
Voici le lien Internet vers l'article : interview JIR du 05 avril 2013 à propos du site exposed.re
Voici le lien Internet vers l'article : interview JIR du 05 avril 2013 à propos du site exposed.re
dimanche 24 mars 2013
WEB ATTITUDE ET CYBER CULTURE
Lien vers l'émission QUESTION D'ACTU présenté par Sabrina Superviele et diffusé sur ANTENNE REUNION.
Aux cotés de M.l'adjoint au Maire de la Ville de Saint-Paul Emmanuel Séraphin ainsi que de M. Laurent Fontaine Directeur des activités Internet à Antenne Réunion, nous avons débattu ensemble du thème CYBER CULTURE ET WEB ATTITUDE.
Pour revoir l'émission cliquez ici : Question D'actu CYBER CULTURE et WEB ATTITUDE
Aux cotés de M.l'adjoint au Maire de la Ville de Saint-Paul Emmanuel Séraphin ainsi que de M. Laurent Fontaine Directeur des activités Internet à Antenne Réunion, nous avons débattu ensemble du thème CYBER CULTURE ET WEB ATTITUDE.
Pour revoir l'émission cliquez ici : Question D'actu CYBER CULTURE et WEB ATTITUDE
vendredi 8 mars 2013
LE « COPIER COLLER » DE CGV PEUT ETRE PUNI !
Voila deux décisions qui
refroidiront les adeptes du « copier-coller » : reprendre les
conditions générales de vente mises en ligne sur un site Internet concurrent
afin de les appliquer à son propre site de vente en ligne, c’est mal !
Sur Internet, grande est la
tentation de succomber aux appels lancinants du clic droit, qui tel le chant
des sirènes, incite à dupliquer le contenu des autres et en profiter sans
dépenser le moindre centime d’euros. En étant réaliste : cette pratique
est répandue… car tellement facile : une demi-seconde, 2 clics et c’est
fait !
Or cette pratique si simple et
facile à mettre en œuvre porte souvent atteinte aux droits d’autrui
En matière de sites de vente en
ligne, il arrive fréquemment qu’un entrepreneur désireux de s’économiser les
frais d’avocats pour la rédaction de ses conditions générales de vente (CGV),
choisisse tout simplement de reprendre celles d’un autre site à son propre
compte par le biais de la technique du copier coller.
Bien évidemment, nous ne saurions
encourager de telles pratiques, d’abord pour la raison évidente que des
conditions générales de ventes applicables à une activité économique en ligne
ne le sont pas ipso facto à une autre activité même s’il s’agit d’un domaine
d’activité identique ou similaire. Rédiger des conditions générales de vente
suppose une parfaite connaissance de l’activité concernée et des limites posées
tant par la loi que par la jurisprudence laquelle est en constante évolution. C’est
là la valeur ajoutée du professionnel chevronné du droit qui va, par le choix
des mots et de la tournure de ses phrases, articuler chaque clause des CGV de
la manière la plus sécurisante qui soit, en particulier s’agissant de la
délicate clause limitative de responsabilité. N’oublions pas que le client est
désormais surprotégé par l’effet du droit de la consommation qui prend de plus
en plus en considération la situation du cyberconsommateur ! Faut-il ainsi
rappeler que le Cybercommerçant est astreint à une responsabilité de plein
droit assortie de causes d’exonérations strictes, faisant ainsi peser sur lui
une épée de Damoclès quant à l’exécution correcte de la transaction réalisée
par voie électronique[1] ?
Faut-il également rappeler que la définition juridique du commerce électronique
est extrêmement large de sorte qu’elle englobe même des activités de fourniture
d’information à titre onéreux ou gracieux dès lors que celles-ci sont réalisées
en ligne !
On l’aura compris, dans un
contexte aussi évolutif, le recours à un professionnel du droit pour rédiger
ses CGV est une garantie pour plus de sécurité juridique, sachant
qu’inexorablement le Cybercommerçant
aura à faire face à des réclamations.
L’autre raison qui devrait
décourager les candidats du copier-coller de CGV, c’est le risque de sanction
judiciaire ! En effet, deux décisions de justice viennent clairement
sanctionner cette pratique :
- un premier arrêt de la Cour d’Appel de Paris du 24 septembre 2008 dans l’affaire Vente privée c/o Kalypso[2],
- puis un jugement du Tribunal de Commerce de Paris du 22 juin 2012 Alban B c/o Michaël M[3].
De manière unanime, ces décisions
considèrent que la reprise des CGV d’un site par un autre est constitutive d’un
acte de parasitisme économique justifiant l’attribution de dommage et intérêt
en réparation du préjudice causé.
On rappellera que le parasitisme
économique caractérise l’ensemble des comportements par lequel un acteur
économique s’imisse dans le sillage de l’activité économique d’autrui sans
bourse délier et afin d’en tirer profit. A la lumière de cette définition, il
n’est pas surprenant que le copier-coller de CGV ait pu être épinglé à ce titre,
puisque le copieur réalise une réelle économie en reprenant les CGV rédigées
voire achetée par un concurrent auprès d’un avocat : il s’agit d’un « avantage
concurrentiel indu » comme le soulèvent les juridictions précitées.
Le copier-coller de CGV pourrait-il d’avantage constituer une contrefaçon ? Cela supposerait alors que
les CGV puissent être considérées comme une œuvre littéraire et artistique et
donc qu’elles satisfassent à la condition d’originalité, critère impératif d’application
du droit d’auteur.
Bien que les décisions susvisées
n’aient pas retenu ce choix, cette piste n’est néanmoins pas à exclure et on
rappellera utilement un jugement du tribunal de commerce de Paris du 4
septembre 1989 considérant qu’un contrat de crédit proposé par un organisme de
crédit remplissait la condition d’originalité et dès lors pouvait bénéficier de
la qualification d’œuvres protégeables par le droit d’auteur[4].
Reste la question de
l’indemnisation du préjudice causé par ce fameux copier-coller. Les décisions
susvisées traduisent la volonté des juges d’adapter la réparation à la réalité
du préjudice dans chaque espèce, ce qui explique que la cour d’appel de Paris
ait évalué le montant des dommages et intérêt à 10 000 € dans l’affaire
venteprivée.com, contre seulement 1 000 € dans l’affaire Alban B rendue par
le Tribunal de Commerce de Paris estimant dans cette dernière que le préjudice
était limité.
Les adeptes du copier-coller de
CGV n’ont qu’à bien se tenir !
Source : CCE OCTOBRE
2012 COM 108 Anne DEBET et COM 112 Muriel CHAGNY
[1] Depuis la loi du 21 juin
2004 sur la Confiance
dans l’Economie Numérique (LCEN) ; également la loi du 3 janvier 2008 dite
« loi Chatel » qui a renforcé les droits du cyberconsommateur.
[2] CA Paris 24 sept 2008, Vente Privée.com c/o
Kalypso, CCE 2009, com 25 note A. Debet
[3] T Com Paris 15e ch, 22 juin 2012,
Alban B c/o Michaël M, CCE 2012 com 108 note A. Debet ; CCE 2012 com 112 note
M. Chagny
[4] T Com Paris 4 sept 1989,
Conofiga c/ Unibanque : Expertise 1991 n° 141 p 273
mardi 5 mars 2013
Jeux en ligne : les paris sont ouverts
Avec la libéralisation des jeux et paris en ligne, c’est le
monopole de la française des jeux qui prend fin ainsi que l’exception
française sur les jeux d’argents dans l’espace économique européen.
S’ouvre ainsi un marché juteux évalué à deux ou trois milliards d’euros
par an dont un bon tiers pour le poker.
a) Une situation française qui n’était pas en phase avec le droit européen
Jusqu’à récemment, les loteries et paris sportifs étaient soumis à
un monopole d’Etat confié à la Française des jeux (par dérogation à la
loi du 21 mai 1836 interdisant les loteries) et au Pari Mutuel Urbain
(pour les paris hippiques en vertu d’une loi de 1891) : seules ces
sociétés étaient en mesure de proposer en France des jeux d’argent en
ligne. Pour ce qui est des Casinos, ceux-ci étaient astreints à une
procédure de dérogation soumise à approbation du Ministère de
l’Intérieur puisque la loi du 12 juillet 1983 interdisait les jeux de
hasard. En conséquence, les jeux d’argents en ligne offerts en France
par toute autre société étaient considérés comme illégaux par les
autorités françaises[1]. Une
situation délicate compte tenu du caractère transfrontalier d’Internet
et de la foultitude d’offres de jeux en ligne disponible à portée de
clic dans des Etats européens voisins.
Justement, cette situation n’était pas conforme au droit européen :
en effet, l’exigence d’un marché de service libre au sein de l’espace
européen (article 49 du Traité instituant la Communauté Européenne)
s’applique aux services de jeux d’argent, ce que la Cour de Justice des
Communautés Européennes a pu confirmer notamment à travers sa
jurisprudence Gambelli (2003). Il existait une contradiction pour les
autorités française à s’opposer à l’ouverture des services de jeux
d’argents tout en ayant une politique active de développement de ses
propres services via la Française des jeux. C’est pourquoi la Commission
européenne pressait depuis plusieurs années la France pour qu’elle
libéralise son marché des jeux d’argent. Une libéralisation d’autant
plus espérée avec l’impact escomptée de la coupe du monde de football
sur les paris en ligne
Avec la loi du 12 mai 2010 relative à l’ouverture à la
concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard
en ligne (http://legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000022204510#
), la France met enfin un terme aux monopoles existants et rentre dans
le rang européen. Le gouvernement a même accéléré la procédure en
envoyant les décrets d’application à Bruxelles avant le vote final de la
loi, afin de pouvoir être prêt pour la coupe du monde. C’est désormais
chose faite !
b) Une libéralisation des jeux en ligne strictement encadrée
Seuls sont visés par la nouvelle loi les jeux de cercle en ligne
(poker) et les paris hippique et sportifs ; tout autre jeux de hasard ou
d’argent, loterie en ligne reste interdit sauf exceptions au profit de
la Française des jeux et du PMU.
L’exercice de ces activités est soumis à un agrément délivré par
une nouvelle autorité fraichement créé : l’ARJEL (Autorité de Régulation
des Jeux en Ligne : http://www.arjel.fr).
L’ARJEL délivrera des licences sur la base d’un cahier des charges
auquel les opérateurs candidats devront se conformer. Ces licences sont
valables cinq ans et sont renouvelables. L’ARJEL percevra un droit fixe
auprès des opérateurs lors de chaque demande d’agrément, puis
annuellement, enfin à l’occasion de chaque renouvellement. De plus
chaque somme misée fera l’objet de prélèvements sociaux et fiscaux et le
taux de redistribution des gains s’en trouvera un plus lourdement
affecté. Les sites web des opérateurs agréés devront obligatoirement
avoir un nom de domaine en <.fr>.
L’ARJEL est en outre chargée de veiller au respect des obligations imposées par la loi.
Parmi ces obligations figurent la lutte contre la fraude, le
blanchiment d’argent et les activités de terrorisme et sur laquelle la
collaboration des opérateurs est recherchée en termes de transparence
financière. La protection des mineurs implique l’exclusion de ceux-ci
même lorsqu’ils sont émancipés à tous jeux d’argent ou de hasard et
justifie que les opérateurs exigent la date de naissance du joueur lors
de son inscription ainsi qu’à chacune de ses connexions.
Pour lutter contre le jeu excessif ou pathologique, la loi impose
que les opérateurs de jeux empêchent la participation des personnes
interdites de jeu et à cette fin lui permet d’interroger par le biais de
l’ARJEL le fichier des personnes faisant l’objet d’une telle
interdiction. L’opérateur devra également mettre en place des mécanismes
d’auto-exclusion et de modération ainsi que des dispositifs
d’autolimitation des dépôts de mise. Son site ne pourra contenir aucune
publicité ni lien hypertextes vers une publicité en faveur d’une
entreprise permettant d’obtenir des prêts d’argents aux joueurs ou entre
joueurs.
Enfin, plusieurs mesures sont destinées à lutter contre les sites
illégaux de jeux dont l’accès pourra être coupé par le juge des référés.
Ainsi, l’offre de jeu sans être titulaire d’un agrément est sanctionnée
par trois ans d’emprisonnement et 90 000 € d’amende, peines portées à
sept ans lorsque l’infraction est commise en bande organisée. La
publicité de tels sites web ou la promotion des cotes et rapports
proposés par ces sites, par quelque moyen que ce soit est réprimée par
une amende de 100 000 €.
Dans le but de constater les infractions, des agents de police ou
de douanes assermentés pourront participer sous un pseudonyme à des
échanges électroniques sur un site de jeux en ligne agréé ou non, et y
extraire toute données liées aux personnes en cause.
c) La loi ne donne aucune précision sur l’usage des dénominations des acteurs sportifs par les opérateurs de jeux en ligne
Si la nouvelle loi consacre le droit d’exploitation commerciale
sous forme de paris des manifestations sportives, elle reste en revanche
muette sur l’usage par les opérateurs de jeux, des dénominations des
acteurs sportifs : nom des joueurs, noms des clubs, nom de
l’organisateur de la manifestation… Or ces dénominations sont protégées
aussi bien par un droit de la personnalité (droit au nom, droit à
l’image) que par un droit de propriété intellectuelle (le nom du joueur
ou le nom du club sont enregistrés comme marque de commerce) : l’usage
non autorisé de ces éléments peut constituer une atteinte aux droits
respectifs en cause.
Dans ces conditions, comment un opérateur de pari en ligne peut-il
librement utiliser ces dénominations à l’occasion d’une manifestation
sportive ? En clair, un site de pari en ligne peut-il reproduire le nom
et l’image du footballeur Zinedine Zidane à l’occasion d’un match de
football ou ce joueur participe sans avoir à lui demander son
autorisation ? La même question se pour les logos des clubs comme
le PSG, l’OM et autres…qui sont protégés à titre de marque de commerce
ou même pour les noms des joueurs lorsque ceux-ci sont également déposés
à titre de marque
L’hypothèse n’est pas anecdotique et a pu donner lieu à une
jurisprudence effervescente : ainsi, le juge des référés parisien a eu à
connaître de cette question sous l’angle des droits de la personnalité
et a répondu par la négative : TGI Paris, réf, 8 juillet 2005, Real
Madrid CF, Zinedine Z, David B, Raul G et autres c/o Hilton Group Plc,
Sporting Exchange Ltd, William H. Sportingbet Plc et autres. A
l’inverse et sous l’angle du droit des marques, la Cour d’Appel de Paris
a pu considérer qu’un tel usage était constitutif de contrefaçon (CA
Paris 14 octobre 2009, FFT c/o Unibet).
Face à ces situations, la jurisprudence oscillait ainsi entre un
usage strictement nécessaire à la désignation de l’objet des paris et un
usage promotionnel à des fins publicitaires : dans le premier cas, la
responsabilité n’était pas engagée alors que dans le second oui. Or la
ligne démarquatrice entre ces deux usages est parfois difficile à
tracer, puisqu’au contraire ceux-ci ont plutôt tendance à se confondre.
Cette incertitude issue de positions jurisprudentielles différentes
aussi bien dans leur fondement juridique que dans leur solution est
source d’insécurité pour les opérateurs de paris en ligne dont la
responsabilité reste potentiellement engageable alors que l’usage de
telle dénomination est systématiquement nécessaire.
Si les dernières décisions en la matière se montrent plutôt
favorables aux opérateurs de jeux en ligne en considérant qu’un tel
usage fut il dans la vie des affaires n’est pas un usage à titre de
marque et que dès lors le grief de contrefaçon ne peut être retenu ( CA Paris 11 décembre 2009 Juventus de Turin et CA Paris 2 avril 2010 PSG),
on peut regretter que la loi présentement commentée n’ait pas saisi
l’opportunité d’apporter justement une clarification utile à la
sécurisation des paris en ligne au regard de ces usages.
[1] Thibault Verbiest et Evelyne Heffermehl, Jeux d’argent en ligne en France : vers quel cadre réglementaire ? , www.droit-technologie.org, 2006
PROTEGER SA MARQUE SUR INTERNET
L’horizon
illimité de l’Internet multiplie les possibilités de communication des
entreprises autour de leurs marques de commerce. Signe de ralliement d’une clientèle, la
marque se décline désormais sous les diverses facettes du réseau qui facilitent
la bonne visibilité de l’information : nom de domaine, liens hypertexte,
meta tags… Ces éléments deviennent de nouveaux vecteurs de dissémination de la
marque sur le net en vue de capter des consommateurs internautes. L’Internet contribue
ainsi à gonfler le pouvoir attractif de la marque.
Une
véritable stratégie Internet doit donc être pensée pour permettre à la marque
de prospérer sur la toile ; toutefois cette stratégie ne doit pas se faire
au détriment de la marque d’autrui : plusieurs pratiques permettent
aujourd’hui de profiter indument du pouvoir attractif d’une marque et détourner
la clientèle qui y est attaché. Ainsi en
est-il du Cybersquatting et du Typosquatting (1), du méta-tag squatting (2) ou
encore de certains liens sponsorisés issus de l’achat de mots-clés (3).
Ces
pratiques sont sanctionnées par la jurisprudence foisonnante en la matière et
les entreprises doivent dès lors se montrer vigilantes.
1 - Le nom de domaine : halte
au Cybersquatting et au Typosquatting
Techniquement,
un nom de domaine consiste en une suite de nombre correspondant à l’adresse IP
d’un site Internet, permettant de le retrouver dans l’immensité de la toile et
d’y accéder. Cette suite de nombre est convertie en termes alphanumériques, « le
nom de domaine », plus lisible et plus facile à mémoriser. Chaque nom de
domaine est composé d’un radical (par exemple la marque) et d’un suffixe
correspondant soit à une zone territoriale (.re pour La Réunion ; .fr pour la France ; .it pour
l’Italie) soit à une activité (.com pour le commerce ; .org pour les associations
à but non lucratif). L’attribution d’un nom de domaine dépend d’une association
américaine, l’ICANN, ainsi que de tout organisme affinitaire (AFNIC pour la France).
Traditionnellement, la règle est celle du « premier arrivé, premier
servi ». Toute personne peut donc potentiellement enregistrer un nom de
domaine quel qu’il soit.
Le
nom de domaine représente une réelle
valeur commerciale pour l’entreprise car il s’agit de
« l’enseigne » sous laquelle son site Internet sera accessible sur la
toile. Stratégiquement, les entreprises choisissent d’enregistrer leurs marques
comme nom de domaine. Vitrine de l’entreprise, le site Internet pourra proposer
des offres de commerce électronique pour une zone géographique déterminée. D’où
l’intérêt d’enregistrer un .com pour une offre commerciale mondiale, un .fr
pour une offre réservée à un public français, ou un .re pour le public
réunionnais. L’exploitation paisible de la marque par un nom de domaine peut
néanmoins être troublée par des pratiques illicites comme le Cybersquatting et
le Typosquatting.
Le Cybersquatting consiste à enregistrer un nom de domaine correspondant à
une marque appartenant à un tiers et à proposer à ce tiers de racheter ledit
nom de domaine à un prix abusif. Par exemple, j’enregistre le nom de domaine
Cora.com et j’offre à la société réunionnaise Cora de récupérer ce nom de
domaine contre 10 000 €.
De
même le Typosquatting consiste à
enregistrer un nom de domaine très proche d’un autre nom de domaine en se
basant sur les fautes d’orthographes potentielles que feraient les internautes
en tabulant sur leurs claviers. Par exemple, enregistrer jptmail.com, le j et
le o étant les lettres situés juste après le h et le o sur un clavier, pour
« hotmail.com ». L’objectif de la manœuvre est de capter une partie
du trafic attachée au site officiel afin d’opérer un détournement de clientèle.
Le droit des marques sanctionne
vigoureusement ces deux pratiques :
- D’une part, si la marque est déposée, l’enregistrement d’un nom de domaine identique ou similaire à la marque déposée constituera un acte de contrefaçon sanctionné par les tribunaux (TGI Paris, Réf, 25 mars 1997 affaire Framatome.com). Cette action est ouverte quelle que soit la classe de dépôt de la marque : il n’est pas besoin de réserver une classe 38 (correspondant aux produits et services de communications électronique dont l’Internet fait partie) pour pouvoir réclamer la protection, la contrefaçon s’appréciant au regard des seuls produits ou services indiqués dans l’enregistrement de la marque (Cass. 13 décembre 2005 affaire Localtour).
- D’autre part et en l’absence de dépôt, une marque notoire pourra éventuellement obtenir gain de cause sur le terrain de la concurrence déloyale ou du parasitisme à condition d’apporter la preuve d’une part de la notoriété de la marque invoquée et d’autre part une faute contraire aux usages du commerce causant un dommage. Dans ce cas, la faute pourra consister dans l’enregistrement d’un nom de domaine identique capable de créer la confusion dans l’esprit du public mais également dans le contenu du site Web lié au nom de domaine litigieux, si celui-ci offre notamment des produits ou services concurrents à ceux du site Web officiel.
Dans
tous les cas, l’antériorité de la marque originelle par rapport à la marque
illicite sera un critère déterminant pour apprécier l’illégalité de la
pratique ; mais également l’exploitation ou la non exploitation du nom de
domaine par l’un ou l’autre des sites Web sera prise en considération. Dans
certains cas, un nom de domaine peut même constituer une antériorité capable
d’empêcher le dépôt d’une marque postérieure.
Enfin,
s’agissant du cas spécifique du Cybersquatting, des procédures de règlement
amiable des litiges par le biais de l’arbitrage ont été mises en place pour ordonner le transfert d’un nom de
domaine litigieux :
- L’UDRP (Uniform Dispute Résolution Policy), procédure qui se déroule devant le centre d’arbitrage et de médiation de l’OMPI (Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle)
- Le PARL du .fr et du .re (Procédures Alternatives de Règlement des Litiges), proposée par l’AFNIC, et menées selon la procédure choisie soit par le CMAP (Centre de Médiation et d’Arbitrage de Paris), l’OMPI, ou le Médiateur du Forum des droits de l’Internet
Ces
procédures d’arbitrage sont basées sur des principes directeurs dont la preuve
doit être rapportée par le demandeur :
- la similitude ou le fort rapprochement du nom de domaine litigieux avec la marque du demandeur
- l’absence de droit ou d’intérêt légitime au profit du défendeur sur le nom de domaine en cause
- la mauvaise foi du défendeur
En
cas de conflit, ces procédures d’arbitrage offrent l’avantage d’une solution
rapide et efficace, pour un coût relativement peu élevé.
2 – Le meta-tag squatting :
l’atteinte à la marque par le code source des pages Internet
Dans
la jungle de l’Internet, la visibilité d’un site Web est cruciale : elle
conditionne son accessibilité par les internautes, sa popularité voire même sa
rentabilité pour les sites de commerce électronique. Dans cette jungle, les
moteurs de recherche jouent un rôle stratégique : c’est par leur biais que
les internautes bien souvent trouveront les sites correspondant à l’objet de
leur recherche. Il est donc primordial pour tout site Internet d’être
correctement référencé par ces moteurs afin dans l’idéal d’apparaître en tête
des résultats lorsqu’un internaute lance une recherche.
Ce
référencement s’opère par des balises ou « méta tags » figurant dans
le code source des pages web que les moteurs de recherches indexent afin de
pouvoir offrir des résultats lorsqu’une recherche est lancée. Ainsi, les
logiciels automatiques des moteurs, communément appelés « robots »
brassent les millions de pages web de l’Internet et les scannent à la recherche
de ces fameuses balises, contenant des mots clés correspondant au contenu de
chaque page. Selon les mots clefs insérés dans ces balises, la page web
apparaitra dans les résultats affichés par toute requête utilisant ces mêmes
mots clefs.
La
tentation est alors forte, pour apparaître en tête des résultats des moteurs,
d’insérer dans les balises méta des pages web des noms de marques connues à
titre de mot clefs. Ainsi, en insérant « coca cola » comme méta tag de
ses pages web, tout site vendant des produits directement concurrents (comme
des sodas ou des jus de fruits) ou même non directement concurrent (des
chaussures par exemple), apparaîtra dans la page de résultats affiché par le
moteur lorsqu’un internaute lancera la recherche « coca cola ».
Grâce
à cette technique, un concurrent profite indûment du pouvoir d’attractivité de
la marque, d’autrui dont il détourne la clientèle, afin de pouvoir positionner
ses propres produits et services.
Ce
squattage d’une marque dans le code source des pages web ou « meta-tag
squatting » est une technique dite de spamdexing :
il s’agit d’un ensemble de techniques abusives de référencement qui trompent l’indexation automatique faite
par les moteurs de recherche afin de mieux positionner un site dans la page de
résultat du moteur.
L’atteinte
à la marque, qu’elle soit déposée ou notoire est évidente :
- L’utilisation non autorisée de la marque d’autrui dans les méta-tags constitue un acte de contrefaçon sanctionnée par les tribunaux (TGI Nanterre 25 juinn 2002 Louis Vuitton c/ François D, SA Free ; CA Paris 3 mars 2000, SA Citycom c/ SA Chanel). Cette sanction est d’autant plus justifiée si l’insertion des méta-tags permet à un concurrent de coca cola par exemple d’apparaître à coté du site officiel de coca cola : cette juxtaposition est nécessairement préjudiciable à la marque Coca cola qui subit là un détournement de sa clientèle, les internautes étant susceptibles de visiter les sites de concurrents.
- La marque subit également un préjudice du fait d’un risque de confusion possible dans l’esprit du public, voire de parasitisme des sites concurrents : d’une part l’insertion d’une marque protégée dans un méta-tag peut constituer un comportement fautif contraire aux règles loyales du commerce, caractéristique de la concurrence déloyale ; d’autre part, en se plaçant délibérément dans le sillage de la marque déposée, les concurrents profitent indûment de ses efforts économiques ce qui peut être sanctionné sur le terrain du parasitisme (CA Paris 12 janvier 2005 Sté Kaligona c/ Sté Dreamex). L’action en concurrence déloyale et l’action en parasitisme profiteront non seulement aux marques jouissant d’une renommée dépassant les seuls produits et services qu’elles désignent (comme coca cola par exemple) mais également aux signes distinctifs exclus des mécanismes de propriété intellectuelle à savoir le nom commercial, l’enseigne, la dénomination sociale, voire un même un autre nom de domaine régulièrement enregistré.
Dès
lors, pour être licite, l’insertion de la marque d’autrui dans le méta-tag
d’une page Internet nécessite l’autorisation expresse du titulaire de cette
marque. Une telle autorisation pourra être négociée dans le cadre de contrats
de référencement ou de contrats de partenariat intégrant des stratégies
publicitaires et de communication. C’est ainsi que la société Pepsi Cola a
intégré dans le code source de son site Web les noms des acteurs, sportifs, ou
marques avec lesquels elle a conclu un contrat de publicité ou de sponsoring.
3 - Le position squatting :
l’achat litigieux de marques à titre de mots clefs
La
quête d’un positionnement incontournable sur la toile de l’Internet a poussé
les moteurs de recherche à proposer aux entreprises des solutions innovantes
tant en matière de référencement que de publicité. Ainsi la pratique des liens sponsorisés
consiste à vendre des mots-clés permettant de positionner le site web d’une
entreprise parmi les premiers résultats d’une requête portant sur ces mêmes
mots-clés ; ces résultats apparaissent en marge des résultats
traditionnels dans une colonne intitulée « liens commerciaux ». Par
exemple, l’entreprise Coca Cola pourrait
acheter les termes « soda » ou « boisson gazeuse » pour
apparaître en tête des résultats pour toute requête de ces mêmes mots lancée
par un Internaute sur le moteur de recherche Google.
En
plein essor, les liens sponsorisés ont représenté un chiffre d’affaire de 2.16
milliards d’Euros en 2006 sur les 4,96 milliards d’euros du marché européen de
la publicité interactive (source : Journal du Net citant une étude de
Jupiter Research). C’est dire l’enjeu économique du positionnement
publicitaire !
Comme
pour le nom de domaine et les méta-tags, des manœuvres abusives sont venues
polluer le marché des liens promotionnels, par l’utilisation frauduleuse de
marques à titre de mots-clés. Ainsi, le
« position squatting » consiste à acheter la marque d’un concurrent
comme mot-clé afin de profiter du trafic Internet qu’il génère et bénéficier
d’un meilleur affichage de son site Internet par les outils de recherche.
Par exemple, une marque de soda inconnue du public qui achèterait le mot-clé
« coca-cola » profiterait d’un positionnement avantageux au détriment
de la marque déposée Coca Cola. Même si c’est l’annonceur qui choisit en
connaissance de cause les mots-clés qui le référenceront, il arrive souvent que
les outils de recherche inspirent ce choix en
proposant automatiquement plusieurs mots-clés parmi lesquels peuvent
figurer des marques protégées (ex : le programme Adwords de Google).
Pire : certaines associations de mots-clés peuvent porter préjudice à la
marque (vuitton, fake, replica…) et conduire à des sites Internet illicites
vendant des produits contrefaisants !
Plusieurs
solutions s’offrent alors à la marque victime de position squating :
- Engager la responsabilité de l’annonceur : en effet, l’article L 713-2 du Code de Propriété Intellectuelle (CPI) interdit la reproduction, l’usage ou l’apposition d’une marque reproduite sans l’autorisation préalable du titulaire de celle-ci, ainsi que « l’usage d’une marque reproduite pour des produits ou services identiques à ceux désignés dans l’enregistrement ». C’est sur cette base que le TGI de Paris a pu condamner des annonceurs pour contrefaçon de marques déposées (TGI Paris 13 février 2007 affaire Meetic). A défaut de dépôt, la marque pourra obtenir protection sur le terrain de la concurrence déloyale ou du parasitisme ; il conviendra de démontrer la faute de l’annonceur notamment par l’achat de mot clefs sans aucun rapport avec son activité commerciale avec pour effet un détournement de clientèle, « profitant du travail d’autrui sans bourse délier ».
- Engager la responsabilité du moteur de recherche : sur la base du même article L 713-2 du CPI, plusieurs décisions de justices ont sanctionné l’outil de recherche pour contrefaçon en raison de leur rôle actif dans le choix des mots clefs suggéré aux annonceurs (CA Paris 1er février 2008 affaire Gifam, TGI Paris 4 février 2005 affaire Vuitton ; TGI Nanterre 17 janvier 2005 affaire Accor ; TGI Paris). A défaut de marque déposée, la concurrence déloyale ou le parasitisme restent invocables. Enfin, et c’est là une originalité : dans certaines affaires, le moteur de recherche a pu être condamné pour publicité trompeuse (affaire Vuitton précitée) en raison de la confusion dans l’esprit des internautes suscitée par l’affichage « liens commerciaux » pouvant laisser croire que les sites Internet affichés entretiennent des rapports commerciaux avec les sociétés victimes de position squatting (affaire Gifam précitée)
Les
détenteurs de marques ont donc intérêt à être vigilants face aux pratiques de
référencement publicitaires susceptibles d’utiliser leurs marques à leur
insu ; à l’inverse, les moteurs de recherche et les annonceurs, devront faire
preuve d’une extrême prudence dans le choix des mots-clés pour éviter les
foudres du droit des marques.
WIKI LEAKS : tout secret est-il bon à dévoiler ?
En divulguant
250 000 télégrammes diplomatiques américains classés confidentiels, le
site WIKI LEAKS jette une véritable bombe dans l’univers de la
diplomatie internationale. Jamais de telles divulgations n’auront eu
une telle ampleur dans l’histoire des médias… et dans l’Histoire tout
court !
Et pourtant WIKI LEAKS n’est pas le premier site à s’être
spécialisé dans la communication de documents confidentiels : depuis
plus de 10 ans, les sites CRYPTOME, SECRECY NEWS et STATEWATCH
publiaient déjà des informations gouvernementales secrètes.
La différence avec WIKI LEAKS ? C’est l’hypermédiatisation
volontairement orchestrée autour des publications du site. Une
hypermédiatisation possible grâce au potentiel illimité de l’Internet
décidément sans aucune frontières et qui permet d’informer, de publier
et rendre instantanément accessible partout dans le monde ces fameux
câbles diplomatiques si secrets. Internet est un acteur majeur du succès
controversé de WIKI LEAKS !
Bien que l’origine et la validité de ces documents n’ont jamais été
officiellement démentie par les autorités américaines, jusqu’au dernier
moment, elles auront tout tenté pour empêcher leurs publications.
Or si ces publications ne constituent pas toutes des
« révélations » forcément « fracassantes », elles offrent tout de même
un regard inédit sur les coulisses de la diplomatie américaine en
permettant de connaître, à coté de la langue de bois habituelle, la
réalité de la perception américaine du monde. C’est en ce sens que ces
fuites sont véritablement embarrassantes pour les Etats-Unis…mais aussi
pour les personnalités visées par ces documents.
Une telle divulgation de masse de documents gouvernementaux confidentiels est elle souhaitable ? Est-elle légitime ?
Dans ce qui s’appelle désormais le CABLEGATE, la préservation du
secret s’oppose au droit qu’aurait le citoyen à exiger la transparence
sur les affaires publiques.
Secret contre droit à la transparence sur les affaires publiques
Au caractère confidentiel de ces documents, on invoque désormais un
« droit à la transparence sur les affaires publiques » capable de
justifier l’ampleur sans précédent de ces divulgations.
Or cette divulgation relève t-elle vraiment de l’intérêt général ?
Comme le souligne à très juste titre le célèbre historien Thimothy
Garton Arsh : « Il y a un intérêt public à savoir comment fonctionne le
monde et ce que l’on y fait en notre nom. Il y a aussi un intérêt public
à ce que la politique étrangère soit menée de façon confidentielle. Et
ces deux intérêts sont contradictoires »[1].
En effet, dans la diplomatie internationale, « le secret est l’arme de la négociation »[2] :
c’est à l’abri des projecteurs et du regard des citoyens que se négocie
l’avenir des peuples. Car chaque partie officiellement en conflit
pourra plus certainement infléchir sa position et faire des concessions
qui, si elles étaient sues du public au moment même ou elles se
déroulent, pourraient être interprétés comme des aveux de faiblesses.
Ainsi, le secret offre un confort de négociation vers une solution
d’équilibre à l’heure ou tout semble s’y opposer.
Et c’est justement ce culte de la diplomatie du secret qui est
remis en question par toutes les revendications de transparence
symbolisées aujourd’hui par WIKI LEAKS ! A l’image d’un Greenpeace des
temps cybernétiques, WIKI LEAKS représenterait un nouveau mouvement de
militantisme virtuel contre les grandes puissances du monde ou la lutte
emprunterait la forme des jeux vidéo et des réseaux sociaux afin de
donner une ampleur sans précédent à la cause. « La transgression, dans
ce cas, change de nature. De moyen, elle devient une fin et constitue le
cœur même de l’action »[3].
Ainsi, l’intérêt supérieur de la « cause » légitimerait toutes les
atteintes, y compris celle de la violation du secret par des personnes
qui en sont dépositaires quelles que puissent être les sanctions. Et
c’est précisément à des sanctions lourdes auxquelles s’expose le jeune
informaticien militaire de 22 ans qui a délibérément copié les données
secrètes sur une simple clef USB en sifflotant sur une chanson de Lady
Gaga pour ensuite les transmettre à WIKI LEAKS… Il risque aujourd’hui la
cour martiale avec une peine pouvant aller jusqu’à 52 ans de prison !
Cette revendication de transparence bouleverse aujourd’hui tous les
mécanismes de la diplomatie internationale et la lecture qu’on peut en
faire : traditionnellement il faut patienter plusieurs dizaines d’années
avant que des documents confidentiels soit déclassés et rendu publics
puis décryptés, analysés par les historiens. Avec WIKI LEAKS, c’est au
moment même ou les faits se déroulent, ou l’Histoire s’écrit que l’on
découvre ébahis toute les tractations diplomatiques secrètes en cours :
les journalistes, historiens et autres analystes n’ont pas à attendre
demain pour pouvoir enfin comprendre les attitudes de la diplomatie
américaine d’aujourd’hui, laquelle en ressort fortement ébranlée.
Et c’est ainsi que plusieurs journaux du monde ont entrepris
d’étudier et restituer la substantifique moelle de ces 250 000 câbles,
au titre du droit à l’information du public, principe fondamental déjà
consacré à plusieurs reprises dans le droit des médias. C’est là que
réside le fondement même de toute légitimité à la communication par les
médias de ces documents, après analyse et vérification puisque le
journaliste est astreint à une telle obligation avant publication.
Faire coexister les revendications de transparence avec l’exigence du secret
Faut-il pour autant considérer que ce droit à l’information du
public soit une légitimité suffisante pour justifier les atteintes au
secret dont WIKI LEAKS s’est fait le champion ? Non car je persiste à
croire que le secret reste vitalement utile dans le grand concert des
diplomaties, ne serait ce que parce qu’il contribue à trouver des
solutions qui ne pourraient être obtenues si elles étaient exhibées sur
la scène publique. Et même s’il existe également un principe général de
transparence sur l’action administrative, matérialisé en France par la
loi sur la Communication et l’Accès aux Documents Administratifs (dite
loi CADA de 1978), l’article 6 de cette loi exclut expressément de la
communicabilité tous documents couverts par le secret de manière
générale.
Là où la saga WIKI LEAKS invite à réfléchir, c’est sur la question
de l’écoulement du temps avant la levée du secret sur les archives : il
peut être utile de raccourcir la durée de conservation de la
confidentialité attachés à certains documents ce qui répondrait aux
revendications de transparence sans pour autant menacer la pérennité des
relations internationales en cours souvent imprégnées de
confidentialité. En d’autre termes il s’agirait de faire coexister la
transparence avec les impératifs du secret, voire même faire de la
transparence un rempart contre les abus du secret : c’est en sachant que
certains documents seront rapidement rendus publics qu’on peut aussi
espérer une attitude loyale de nos dirigeants.
S’il est vrai qu’un tel déballage présente de réels dangers pour
l’équilibre mondial, l’affaire WIKI LEAKS témoigne aussi d’un changement
de poids sur l’échiquier international avec la prise en compte d’un
nouveau paramètre, celui des nouvelles technologies de la communication
et de l’information : en seulement deux clics, toute information
diplomatique confidentielle peut devenir publique et faire le buzz sur
la toile. Bien que chaque gouvernement va inévitablement resserrer ses
rangs pour éviter que de nouvelles fuites ne surviennent, une brèche a
tout de même été réalisée dans l’édifice : quand bien même le site web
de WIKI LEAKS serait-il fermé, il y a fort à parier que de nombreux
émules suivront la voie tracée par son fondateur Julian Assange dans la
révélation en ligne de documents confidentiels, à l’image de ce qu’a été
NAPSTER pour le partage de fichiers en ligne.
Certainement les législations du monde entier se durciront et
créeront peut-être une infraction nouvelle portant spécifiquement sur la
révélation de documents gouvernementaux confidentiels, menaçant ou pas
la sureté de l’Etat, embarquant dans son giron non seulement l’auteur
des révélations mais également toute personne, tous sites web qui
relaieront ces révélations…
Il n’empêche que WIKI LEAKS aura montré que tout secret peut être
révélé et diffusé en masse au jour le jour avec une facilité
déconcertante quelles qu’en soient les conséquences ! De quoi inciter
nos dirigeants à se montrer plus prudents voire peut être plus juste
lorsqu’ils négocieront en notre nom, en prenant en compte le risque réel
de voir leurs tractations dévoilées au grand jour à tout moment.
Ainsi l’épée de Damoclès de la transparence, sans pour autant
remettre en cause le rôle nécessaire du secret dans la diplomatie
internationale, pourra t-elle peut-être jouer un rôle bénéfique au
service de la paix des peuples….
Comme l’écrivit un illustre Père Fondateur des Etats-Unis Benjamin
Franklin : « J’ai longtemps observé une règle (...). C’est simplement
celle-ci, de ne m’occuper d’aucune affaire dont je puisse rougir en la
rendant publique. »
[1] Thimothy Garton Arsh, Les documents secrets révélés par WIKILEAKS relèvent de l’intérêt général, Le Monde du 02.12.10
[2] Aurélien Colson, Fin du secret diplomatique, Le Monde du 14.12.10 http://www.lemonde.fr/idees/article...
[3] « Un
vol réel par effraction, la destruction effective d’un bien appartenant
à autrui sont des actes lourds et qui supposent une part difficile à
assumer de violence physique. Au contraire, les aventuriers du Net se
présentent volontiers comme des "doux". Leur violence se déploie dans un
espace proche de celui des jeux vidéo, espace où rien n’est vraiment
grave, où le joueur dispose de plusieurs vies, où le désir de gagner
écarte toute préoccupation morale » Jean Christophe RUFIN, WIKI LEAKS ou la troisième révolte, Le Monde du 21.12.10
Noms de domaine : le grand chambardement !
Suite à la QPC du 6 octobre 2010, l’équilibre juridique
du droit français des noms de domaines avait été ébranlé par le Conseil
Constitutionnel : en déclarant inconstitutionnel leur régime
d’attribution et de gestion, c’est à une refonte totale du système
législatif et réglementaire d’attribution des noms de domaine
qu’imposait la Haute Cour. La loi n° 2011-302 du 22 mars 2011 dernier
remplit cet objectif en mettant un place un nouveau cadre juridique
applicable aux noms de domaines. Toutes les extensions françaises sont
concernées y compris le <.re> qui reste régit par l’AFNIC jusqu’au
30 juin 2011.
1. L’inconstitutionnalité de l’article L 45 CPCE
Décidément le nouvel instrument juridique qu’est la Question Prioritaire de Constitutionalité offre désormais des moyens inédits permettant de remettre en cause des situations juridiques que l’on pensait acquise. Il en est ainsi de la question des noms de domaines régit par l’article L 45 du Code des Postes et Communications Electroniques (CPCE). Cet article issu de la loi su 9 juillet 2004 sur les communications électroniques, permettait au Ministre en charge des Communications Electronique de désigner les organismes chargé d’attribuer et de gérer les noms de domaines français (exemple : l’AFNIC) et renvoyait au décret du 6 février 2007 le soin de déterminer les conditions précises d’attribution et de gestion de ces noms de domaines. C’est sur la base de ces textes que l’Arrêté du 19 février 2010 désignait l’AFNIC comme organisme en charge de cette mission.
Or c’est justement cet arrêté pris par le Ministre en charge des Communications Electroniques qui a fait l’objet d’un recours en annulation introduit par M. Mathieu P. En contestant cet arrêté dans le cadre d’une QPC, le requérant contestait également la conformité de l’article L 45 du CPCE aux dispositions garanties par la Constitution.
Dans sa décision du 6 octobre 20101, la Haute Juridiction considère que le législateur a commis une « incompétence négative » (càd qu’il méconnait sa propre compétence) en déléguant entièrement le pouvoir d’encadrer les conditions dans lesquelles les noms de domaines sont attribués ou peuvent être renouvelés, attribués, refusés ou retirés. En clair, c’est à la loi qu’il importait de déterminer ces éléments, non au pouvoir réglementaire (décret, arrêté). Le Conseil Constitutionnel abroge donc l’article L 45 qu’il juge inconstitutionnel et par voie de conséquence tous les textes réglementaires pris sur son fondement.
Conséquence : c’est tout l’équilibre juridique sur lequel repose l’AFNIC ainsi que les procédures d’attribution et de gestion des noms de domaines français qui sont mises en péril.
Toutefois, afin de préserver la sécurité juridique au vu du nombre de noms de domaines déjà enregistrée, la Haute Cour retarde les effets de l’abrogation au 1er juillet 2011. Elle précise expressément que « les autres actes passés avant cette date en application des mêmes dispositions ne peuvent être contestés sur le fondement de cette inconstitutionnalité ».
Autrement dit, les dispositions actuelles perdureront jusqu’au 1er juillet 2011 : l’AFNIC conservera ses prérogatives et les noms de domaines enregistrés auprès d’elle, que ce soit en <.fr> ou en <.re> resteront acquis.
Cette décision consacre pour la première fois l’importance des noms de domaines à la lumière de la Constitution2, trois droits et libertés constitutionnellement protégés étant invoqués pour sanctionner l’incompétence négative du législateur en la matière : la liberté d’entreprendre, la liberté de communication et enfin le droit de propriété3. En abrogeant l’article L 45 du CPCE, le juge constitutionnel invitait le législateur à se saisir plus sérieusement de cette question en adoptant un texte qui prenne en compte les griefs formulés avant la date butoir du 1er juillet 2011. C’est aujourd’hui chose faite avec la loi n° 2011-3 02 du 22 mars 2011.
2. Le nouveau cadre juridique applicable aux noms de domaine français
Entrée en vigueur le 1er juillet 2011, la loi n° 2011-302 du 22 mars 2011 i nstaure un cadre juridique nouveau pour les noms de domaines français, qui figure aux articles L 45 et suivants du Code des Postes et Communications Electroniques (CPCE)4. Sont concernés les noms de domaines de premier niveau correspondants aux codes pays du territoire national ou d’une partie de celui-ci : <.fr> France, <.gf> Guyane Française, <.gp> Guadeloupe, <.mq>Martinique, <.yt> Mayotte, <.re> La Réunion, <.pm> Saint Pierre et Miquelon, <.bl> Saint Barthelemy, <.mf> Saint Martin, <.tf> Terres australes et antarctiques françaises, et <.wf> Wallis et Futuna.
Désormais ces noms de domaines pourront être enregistrés par toute personnes physique ou morale domiciliée sur le territoire de l’Union Européenne : c’est une nouveauté par rapport à l’ancienne réglementation laquelle restreignait l’enregistrement aux seules personnes domiciliées en France, ou encore s’agissant des noms de domaines territoriaux comme le <.re>, aux personnes justifiant d’un domicile sur le dit territoire. Toutefois cette disposition n’entrera en vigueur qu’à partir du 31 décembre 2011. L’ouverture des noms de domaines français à toute personne domiciliée sur le territoire européen devrait entrainer une augmentation significative des demandes d’enregistrements, en particulier s’agissant des extensions d’outre mer : jusqu’à présent ces extensions connaissaient un faible succès, en particulier en raison des conditions très restrictives d’enregistrement. Il existait de plus de réelles difficultés pour faciliter l’évolution des chartes applicables à l’image de celle du <.re> qui n’a regrettablement pas suivi toutes les évolutions du <.fr>. La nouvelle loi remédie aujourd’hui à ces imperfections.
Si le principe du « premier arrivé, premier servi » est confirmé, il est également précisé que l’enregistrement se fait sous la responsabilité du demandeur. Ainsi, un enregistrement peut être refusé ou supprimé « lorsque le nom de domaine est :
1° Susceptible de porter atteinte à l’ordre public o u aux bonnes moeurs ou à des droits garantis par la Constitution ou par la loi ;
2° Susceptible de porter atteinte à des droits de p ropriété intellectuelle ou de la personnalité, sauf si le demandeur justifie d’un intérêt légitime et agit de bonne foi ;
3° Identique ou apparenté à celui de la République française, d’une collectivité territoriale ou d’un groupement de collectivités territoriales ou d’une institution ou service public national ou local, sauf si le demandeur justifie d’un intérêt légitime et agit de bonne foi ».
On peut s’interroger sur la difficile conciliation des notions d’intérêt légitime et de bonne foi avec le droit des marques en cas de conflit entre une marque déposée et un nom de domaine : en effet, le délit de contrefaçon de marque ne connaît pas d’exception de bonne foi. Comment dès lors articuler ces exceptions nouvelles propres aux noms de domaines avec la cohérence du droit des marques lorsque la protection de ce dernier est invoquée face à un nom de domaine contrefaisant ? Il y a manifestement un écueil de la loi5.
Nonobstant cette insuffisance, les notions d’intérêt légitime et de mauvaise foi sont explicitées dans le décret n° 2011-926 du 1er août 2011 :
« Peut notamment caractériser l’existence d’un intérêt légitime… le fait, pour le demandeur ou le titulaire d’un nom de domaine :
– d’utiliser ce nom de domaine, ou un nom identique ou apparenté, dans le cadre d’une offre de biens ou de services, ou de pouvoir démontrer qu’il s’y est préparé ;
–d’être connu sous un nom identique ou apparenté à ce nom de domaine, même en l’absence de droits reconnus sur ce nom ;
– de faire un usage non commercial du nom de domaine ou d’un nom apparenté sans intention de tromper le consommateur ou de nuire à la réputation d’un nom sur lequel est reconnu ou établi un droit.
« Peut notamment caractériser la mauvaise foi… le fait, pour le demandeur ou le titulaire d’un nom de domaine :
– d’avoir obtenu ou demandé l’enregistrement de ce nom principalement en vue de le vendre, de le louer ou de le transférer de quelque manière que ce soit à un organisme public, à une collectivité locale ou au titulaire d’un nom identique ou apparenté sur lequel un droit est reconnu et non pour l’exploiter effectivement ;
– d’avoir obtenu ou demandé l’enregistrement d’un nom de domaine principalement dans le but de nuire à la réputation du titulaire d’un intérêt légitime ou d’un droit reconnu sur ce nom ou sur un nom apparenté, ou à celle d’un produit ou service assimilé à ce nom dans l’esprit du consommateur ;
– d’avoir obtenu ou demandé l’enregistrement d’un nom de domaine principalement dans le but de profiter de la renommée du titulaire d’un intérêt légitime ou d’un droit reconnu sur ce nom ou sur un nom apparenté, ou de celle d’un produit ou service assimilé à ce nom, en créant une confusion dans l’esprit du consommateur ».
L’attribution des noms de domaine est assurée par des offices d’enregistrement, par l’intermédiaire de bureaux d’enregistrement qui devront être accrédités selon des règles transparentes et non discriminatoires. C’est une autre nouveauté puisque sous l’ancienne réglementation les bureaux d’enregistrement n’étaient liés à l’AFNIC que par un simple contrat. Désormais la profession de bureau d’enregistrement devient règlementée et est exercée sous le contrôle de l’office d’enregistrement qui peut supprimer l’accréditation en cas de non respect des règles d’attribution des noms de domaines.
S’agissant des WHOIS, une disposition intéressante permet de lutter contre la fourniture par les déposants d’informations inexactes : après des avertissements restés infructueux, le nom de domaine pourra tout simplement être supprimé, ce qui devrait avoir un réel effet dissuasif. Enfin, les procédures de résolution des litiges sont également refondues : le nouvel article L 45-6 du CPCE prévoit que toute personne démontrant un intérêt à agir peut demander à l’office d’enregistrement compétent la suppression ou le transfert à son profit d’un nom de domaine lorsque celui-ci n’est pas conforme aux conditions d’enregistrement. L’office statue dans un délai de deux mois selon une procédure contradictoire fixée par son règlement intérieur qui peut prévoir l’intervention d’un tiers choisi dans des conditions transparentes, non discriminatoires et rendues publiques. Il est précisé que les décisions prises par l’office sont susceptibles de recours devant le juge judiciaire.
Cette nouvelle procédure devrait remplacer les procédures PREDEC ainsi que les deux PARL qui permettaient une résolution extrajudiciaire des litiges, en parallèle des procédures judiciaires ou la jurisprudence est désormais bien avancée. Reste que l’articulation d’une procédure alternative de résolution des conflits avec un recours judiciaire est une innovation dont il faudra mesurer la portée. En particulier, permettra t elle d’octroyer des dommages et intérêt en cas de mauvaise foi du déposant, ce qui permettrait d’avoir un effet dissuasif sur le cybersquating ? Dans la négative, les procédures judiciaires devront continuer à être privilégiées lorsque la sanction financière du contrevenant est recherchée.
Bien qu’entrée en vigueur depuis le 1er juillet 2011, certaines dispositions voient leur application retardée jusqu’au 31 décembre 2011 : c’est le cas s’agissant de l’ouverture des noms de domaines aux personnes physiques et morales établies dans l’Union Européenne. De même les offices d’enregistrement actuellement en place voient leur mandat perdurer jusqu’au 30 juin 2012.
Sur la base de ces nouveaux textes, l’AFNIC a déjà publié la nouvelle charte du <.fr>. Pour ce qui est d’une nouvelle charte du <.re>, une concertation est en cours entre la Région Réunion, la CCI et l’AFNIC.
1 Cons. Constit, déc. N°2010-45 QPC, 6 oct 2010 : JO 7 oct. 2010, p 18156
2 Voir Marie Emmanuelle Haas, Le Conseil Constitutionnel consacre le nom de domaine, Journal du net 11/10/2010
3 Voir l’excellente analyse de Frédéric Sardain, Séisme pour le régime juridique des noms de domaine français, CCE N°1 janvier 2011
4 Voir l’analyse exhaustive de Nathalie DREYFUS, Nouvelle loi sur les noms de domaine du territoire français : évolution ou révolution ?, CCE N°6 juin 2011
5 Sur ce point, voir Marie Emmanuelle Haas, Le projet de loi sur le .FR : une occasion ratée, journaldunet.com ; également du même auteur : Nouvelle loi sur le .FR : du difficile équilibre entre le droit des marques et droit des noms de domaines, journaldunet.com .
1. L’inconstitutionnalité de l’article L 45 CPCE
Décidément le nouvel instrument juridique qu’est la Question Prioritaire de Constitutionalité offre désormais des moyens inédits permettant de remettre en cause des situations juridiques que l’on pensait acquise. Il en est ainsi de la question des noms de domaines régit par l’article L 45 du Code des Postes et Communications Electroniques (CPCE). Cet article issu de la loi su 9 juillet 2004 sur les communications électroniques, permettait au Ministre en charge des Communications Electronique de désigner les organismes chargé d’attribuer et de gérer les noms de domaines français (exemple : l’AFNIC) et renvoyait au décret du 6 février 2007 le soin de déterminer les conditions précises d’attribution et de gestion de ces noms de domaines. C’est sur la base de ces textes que l’Arrêté du 19 février 2010 désignait l’AFNIC comme organisme en charge de cette mission.
Or c’est justement cet arrêté pris par le Ministre en charge des Communications Electroniques qui a fait l’objet d’un recours en annulation introduit par M. Mathieu P. En contestant cet arrêté dans le cadre d’une QPC, le requérant contestait également la conformité de l’article L 45 du CPCE aux dispositions garanties par la Constitution.
Dans sa décision du 6 octobre 20101, la Haute Juridiction considère que le législateur a commis une « incompétence négative » (càd qu’il méconnait sa propre compétence) en déléguant entièrement le pouvoir d’encadrer les conditions dans lesquelles les noms de domaines sont attribués ou peuvent être renouvelés, attribués, refusés ou retirés. En clair, c’est à la loi qu’il importait de déterminer ces éléments, non au pouvoir réglementaire (décret, arrêté). Le Conseil Constitutionnel abroge donc l’article L 45 qu’il juge inconstitutionnel et par voie de conséquence tous les textes réglementaires pris sur son fondement.
Conséquence : c’est tout l’équilibre juridique sur lequel repose l’AFNIC ainsi que les procédures d’attribution et de gestion des noms de domaines français qui sont mises en péril.
Toutefois, afin de préserver la sécurité juridique au vu du nombre de noms de domaines déjà enregistrée, la Haute Cour retarde les effets de l’abrogation au 1er juillet 2011. Elle précise expressément que « les autres actes passés avant cette date en application des mêmes dispositions ne peuvent être contestés sur le fondement de cette inconstitutionnalité ».
Autrement dit, les dispositions actuelles perdureront jusqu’au 1er juillet 2011 : l’AFNIC conservera ses prérogatives et les noms de domaines enregistrés auprès d’elle, que ce soit en <.fr> ou en <.re> resteront acquis.
Cette décision consacre pour la première fois l’importance des noms de domaines à la lumière de la Constitution2, trois droits et libertés constitutionnellement protégés étant invoqués pour sanctionner l’incompétence négative du législateur en la matière : la liberté d’entreprendre, la liberté de communication et enfin le droit de propriété3. En abrogeant l’article L 45 du CPCE, le juge constitutionnel invitait le législateur à se saisir plus sérieusement de cette question en adoptant un texte qui prenne en compte les griefs formulés avant la date butoir du 1er juillet 2011. C’est aujourd’hui chose faite avec la loi n° 2011-3 02 du 22 mars 2011.
2. Le nouveau cadre juridique applicable aux noms de domaine français
Entrée en vigueur le 1er juillet 2011, la loi n° 2011-302 du 22 mars 2011 i nstaure un cadre juridique nouveau pour les noms de domaines français, qui figure aux articles L 45 et suivants du Code des Postes et Communications Electroniques (CPCE)4. Sont concernés les noms de domaines de premier niveau correspondants aux codes pays du territoire national ou d’une partie de celui-ci : <.fr> France, <.gf> Guyane Française, <.gp> Guadeloupe, <.mq>Martinique, <.yt> Mayotte, <.re> La Réunion, <.pm> Saint Pierre et Miquelon, <.bl> Saint Barthelemy, <.mf> Saint Martin, <.tf> Terres australes et antarctiques françaises, et <.wf> Wallis et Futuna.
Désormais ces noms de domaines pourront être enregistrés par toute personnes physique ou morale domiciliée sur le territoire de l’Union Européenne : c’est une nouveauté par rapport à l’ancienne réglementation laquelle restreignait l’enregistrement aux seules personnes domiciliées en France, ou encore s’agissant des noms de domaines territoriaux comme le <.re>, aux personnes justifiant d’un domicile sur le dit territoire. Toutefois cette disposition n’entrera en vigueur qu’à partir du 31 décembre 2011. L’ouverture des noms de domaines français à toute personne domiciliée sur le territoire européen devrait entrainer une augmentation significative des demandes d’enregistrements, en particulier s’agissant des extensions d’outre mer : jusqu’à présent ces extensions connaissaient un faible succès, en particulier en raison des conditions très restrictives d’enregistrement. Il existait de plus de réelles difficultés pour faciliter l’évolution des chartes applicables à l’image de celle du <.re> qui n’a regrettablement pas suivi toutes les évolutions du <.fr>. La nouvelle loi remédie aujourd’hui à ces imperfections.
Si le principe du « premier arrivé, premier servi » est confirmé, il est également précisé que l’enregistrement se fait sous la responsabilité du demandeur. Ainsi, un enregistrement peut être refusé ou supprimé « lorsque le nom de domaine est :
1° Susceptible de porter atteinte à l’ordre public o u aux bonnes moeurs ou à des droits garantis par la Constitution ou par la loi ;
2° Susceptible de porter atteinte à des droits de p ropriété intellectuelle ou de la personnalité, sauf si le demandeur justifie d’un intérêt légitime et agit de bonne foi ;
3° Identique ou apparenté à celui de la République française, d’une collectivité territoriale ou d’un groupement de collectivités territoriales ou d’une institution ou service public national ou local, sauf si le demandeur justifie d’un intérêt légitime et agit de bonne foi ».
On peut s’interroger sur la difficile conciliation des notions d’intérêt légitime et de bonne foi avec le droit des marques en cas de conflit entre une marque déposée et un nom de domaine : en effet, le délit de contrefaçon de marque ne connaît pas d’exception de bonne foi. Comment dès lors articuler ces exceptions nouvelles propres aux noms de domaines avec la cohérence du droit des marques lorsque la protection de ce dernier est invoquée face à un nom de domaine contrefaisant ? Il y a manifestement un écueil de la loi5.
Nonobstant cette insuffisance, les notions d’intérêt légitime et de mauvaise foi sont explicitées dans le décret n° 2011-926 du 1er août 2011 :
« Peut notamment caractériser l’existence d’un intérêt légitime… le fait, pour le demandeur ou le titulaire d’un nom de domaine :
– d’utiliser ce nom de domaine, ou un nom identique ou apparenté, dans le cadre d’une offre de biens ou de services, ou de pouvoir démontrer qu’il s’y est préparé ;
–d’être connu sous un nom identique ou apparenté à ce nom de domaine, même en l’absence de droits reconnus sur ce nom ;
– de faire un usage non commercial du nom de domaine ou d’un nom apparenté sans intention de tromper le consommateur ou de nuire à la réputation d’un nom sur lequel est reconnu ou établi un droit.
« Peut notamment caractériser la mauvaise foi… le fait, pour le demandeur ou le titulaire d’un nom de domaine :
– d’avoir obtenu ou demandé l’enregistrement de ce nom principalement en vue de le vendre, de le louer ou de le transférer de quelque manière que ce soit à un organisme public, à une collectivité locale ou au titulaire d’un nom identique ou apparenté sur lequel un droit est reconnu et non pour l’exploiter effectivement ;
– d’avoir obtenu ou demandé l’enregistrement d’un nom de domaine principalement dans le but de nuire à la réputation du titulaire d’un intérêt légitime ou d’un droit reconnu sur ce nom ou sur un nom apparenté, ou à celle d’un produit ou service assimilé à ce nom dans l’esprit du consommateur ;
– d’avoir obtenu ou demandé l’enregistrement d’un nom de domaine principalement dans le but de profiter de la renommée du titulaire d’un intérêt légitime ou d’un droit reconnu sur ce nom ou sur un nom apparenté, ou de celle d’un produit ou service assimilé à ce nom, en créant une confusion dans l’esprit du consommateur ».
L’attribution des noms de domaine est assurée par des offices d’enregistrement, par l’intermédiaire de bureaux d’enregistrement qui devront être accrédités selon des règles transparentes et non discriminatoires. C’est une autre nouveauté puisque sous l’ancienne réglementation les bureaux d’enregistrement n’étaient liés à l’AFNIC que par un simple contrat. Désormais la profession de bureau d’enregistrement devient règlementée et est exercée sous le contrôle de l’office d’enregistrement qui peut supprimer l’accréditation en cas de non respect des règles d’attribution des noms de domaines.
S’agissant des WHOIS, une disposition intéressante permet de lutter contre la fourniture par les déposants d’informations inexactes : après des avertissements restés infructueux, le nom de domaine pourra tout simplement être supprimé, ce qui devrait avoir un réel effet dissuasif. Enfin, les procédures de résolution des litiges sont également refondues : le nouvel article L 45-6 du CPCE prévoit que toute personne démontrant un intérêt à agir peut demander à l’office d’enregistrement compétent la suppression ou le transfert à son profit d’un nom de domaine lorsque celui-ci n’est pas conforme aux conditions d’enregistrement. L’office statue dans un délai de deux mois selon une procédure contradictoire fixée par son règlement intérieur qui peut prévoir l’intervention d’un tiers choisi dans des conditions transparentes, non discriminatoires et rendues publiques. Il est précisé que les décisions prises par l’office sont susceptibles de recours devant le juge judiciaire.
Cette nouvelle procédure devrait remplacer les procédures PREDEC ainsi que les deux PARL qui permettaient une résolution extrajudiciaire des litiges, en parallèle des procédures judiciaires ou la jurisprudence est désormais bien avancée. Reste que l’articulation d’une procédure alternative de résolution des conflits avec un recours judiciaire est une innovation dont il faudra mesurer la portée. En particulier, permettra t elle d’octroyer des dommages et intérêt en cas de mauvaise foi du déposant, ce qui permettrait d’avoir un effet dissuasif sur le cybersquating ? Dans la négative, les procédures judiciaires devront continuer à être privilégiées lorsque la sanction financière du contrevenant est recherchée.
Bien qu’entrée en vigueur depuis le 1er juillet 2011, certaines dispositions voient leur application retardée jusqu’au 31 décembre 2011 : c’est le cas s’agissant de l’ouverture des noms de domaines aux personnes physiques et morales établies dans l’Union Européenne. De même les offices d’enregistrement actuellement en place voient leur mandat perdurer jusqu’au 30 juin 2012.
Sur la base de ces nouveaux textes, l’AFNIC a déjà publié la nouvelle charte du <.fr>. Pour ce qui est d’une nouvelle charte du <.re>, une concertation est en cours entre la Région Réunion, la CCI et l’AFNIC.
1 Cons. Constit, déc. N°2010-45 QPC, 6 oct 2010 : JO 7 oct. 2010, p 18156
2 Voir Marie Emmanuelle Haas, Le Conseil Constitutionnel consacre le nom de domaine, Journal du net 11/10/2010
3 Voir l’excellente analyse de Frédéric Sardain, Séisme pour le régime juridique des noms de domaine français, CCE N°1 janvier 2011
4 Voir l’analyse exhaustive de Nathalie DREYFUS, Nouvelle loi sur les noms de domaine du territoire français : évolution ou révolution ?, CCE N°6 juin 2011
5 Sur ce point, voir Marie Emmanuelle Haas, Le projet de loi sur le .FR : une occasion ratée, journaldunet.com ; également du même auteur : Nouvelle loi sur le .FR : du difficile équilibre entre le droit des marques et droit des noms de domaines, journaldunet.com .
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