vendredi 8 mars 2013

LE « COPIER COLLER » DE CGV PEUT ETRE PUNI !



Voila deux décisions qui refroidiront les adeptes du « copier-coller » : reprendre les conditions générales de vente mises en ligne sur un site Internet concurrent afin de les appliquer à son propre site de vente en ligne, c’est mal !



Sur Internet, grande est la tentation de succomber aux appels lancinants du clic droit, qui tel le chant des sirènes, incite à dupliquer le contenu des autres et en profiter sans dépenser le moindre centime d’euros. En étant réaliste : cette pratique est répandue… car tellement facile : une demi-seconde, 2 clics et c’est fait !

Or cette pratique si simple et facile à mettre en œuvre porte souvent atteinte aux droits d’autrui

En matière de sites de vente en ligne, il arrive fréquemment qu’un entrepreneur désireux de s’économiser les frais d’avocats pour la rédaction de ses conditions générales de vente (CGV), choisisse tout simplement de reprendre celles d’un autre site à son propre compte par le biais de la technique du copier coller.

Bien évidemment, nous ne saurions encourager de telles pratiques, d’abord pour la raison évidente que des conditions générales de ventes applicables à une activité économique en ligne ne le sont pas ipso facto à une autre activité même s’il s’agit d’un domaine d’activité identique ou similaire. Rédiger des conditions générales de vente suppose une parfaite connaissance de l’activité concernée et des limites posées tant par la loi que par la jurisprudence laquelle est en constante évolution. C’est là la valeur ajoutée du professionnel chevronné du droit qui va, par le choix des mots et de la tournure de ses phrases, articuler chaque clause des CGV de la manière la plus sécurisante qui soit, en particulier s’agissant de la délicate clause limitative de responsabilité. N’oublions pas que le client est désormais surprotégé par l’effet du droit de la consommation qui prend de plus en plus en considération la situation du cyberconsommateur ! Faut-il ainsi rappeler que le Cybercommerçant est astreint à une responsabilité de plein droit assortie de causes d’exonérations strictes, faisant ainsi peser sur lui une épée de Damoclès quant à l’exécution correcte de la transaction réalisée par voie électronique[1] ? Faut-il également rappeler que la définition juridique du commerce électronique est extrêmement large de sorte qu’elle englobe même des activités de fourniture d’information à titre onéreux ou gracieux dès lors que celles-ci sont réalisées en ligne !

On l’aura compris, dans un contexte aussi évolutif, le recours à un professionnel du droit pour rédiger ses CGV est une garantie pour plus de sécurité juridique, sachant qu’inexorablement  le Cybercommerçant aura à faire face à des réclamations.

L’autre raison qui devrait décourager les candidats du copier-coller de CGV, c’est le risque de sanction judiciaire ! En effet, deux décisions de justice viennent clairement sanctionner cette pratique :
  • un premier arrêt de la Cour d’Appel de Paris du 24 septembre 2008 dans l’affaire Vente privée c/o Kalypso[2],
  • puis un jugement du Tribunal de Commerce de Paris du 22 juin 2012 Alban B c/o Michaël M[3].

De manière unanime, ces décisions considèrent que la reprise des CGV d’un site par un autre est constitutive d’un acte de parasitisme économique justifiant l’attribution de dommage et intérêt en réparation du préjudice causé.
On rappellera que le parasitisme économique caractérise l’ensemble des comportements par lequel un acteur économique s’imisse dans le sillage de l’activité économique d’autrui sans bourse délier et afin d’en tirer profit. A la lumière de cette définition, il n’est pas surprenant que le copier-coller de CGV ait pu être épinglé à ce titre, puisque le copieur réalise une réelle économie en reprenant les CGV rédigées voire achetée par un concurrent auprès d’un avocat : il s’agit d’un « avantage concurrentiel indu » comme le soulèvent les juridictions précitées.

Le copier-coller de CGV pourrait-il d’avantage constituer une contrefaçon ? Cela supposerait alors que les CGV puissent être considérées comme une œuvre littéraire et artistique et donc qu’elles satisfassent à la condition d’originalité, critère impératif d’application du droit d’auteur.

Bien que les décisions susvisées n’aient pas retenu ce choix, cette piste n’est néanmoins pas à exclure et on rappellera utilement un jugement du tribunal de commerce de Paris du 4 septembre 1989 considérant qu’un contrat de crédit proposé par un organisme de crédit remplissait la condition d’originalité et dès lors pouvait bénéficier de la qualification d’œuvres protégeables par le droit d’auteur[4].

Reste la question de l’indemnisation du préjudice causé par ce fameux copier-coller. Les décisions susvisées traduisent la volonté des juges d’adapter la réparation à la réalité du préjudice dans chaque espèce, ce qui explique que la cour d’appel de Paris ait évalué le montant des dommages et intérêt à 10 000 € dans l’affaire venteprivée.com, contre seulement 1 000 € dans l’affaire Alban B rendue par le Tribunal de Commerce de Paris estimant dans cette dernière que le préjudice était limité.

Les adeptes du copier-coller de CGV n’ont qu’à bien se tenir !


Source : CCE OCTOBRE 2012 COM 108 Anne DEBET et COM 112 Muriel CHAGNY


[1] Depuis la loi du 21 juin 2004 sur la Confiance dans l’Economie Numérique (LCEN) ; également la loi du 3 janvier 2008 dite « loi Chatel » qui a renforcé les droits du cyberconsommateur.
[2] CA Paris 24 sept 2008, Vente Privée.com c/o Kalypso, CCE 2009, com 25 note A. Debet
[3] T Com Paris 15e ch, 22 juin 2012, Alban B c/o Michaël M, CCE 2012 com 108 note A. Debet ; CCE 2012 com 112 note M. Chagny
[4] T Com Paris 4 sept 1989, Conofiga c/ Unibanque : Expertise 1991 n° 141 p 273

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