Voila deux décisions qui
refroidiront les adeptes du « copier-coller » : reprendre les
conditions générales de vente mises en ligne sur un site Internet concurrent
afin de les appliquer à son propre site de vente en ligne, c’est mal !
Sur Internet, grande est la
tentation de succomber aux appels lancinants du clic droit, qui tel le chant
des sirènes, incite à dupliquer le contenu des autres et en profiter sans
dépenser le moindre centime d’euros. En étant réaliste : cette pratique
est répandue… car tellement facile : une demi-seconde, 2 clics et c’est
fait !
Or cette pratique si simple et
facile à mettre en œuvre porte souvent atteinte aux droits d’autrui
En matière de sites de vente en
ligne, il arrive fréquemment qu’un entrepreneur désireux de s’économiser les
frais d’avocats pour la rédaction de ses conditions générales de vente (CGV),
choisisse tout simplement de reprendre celles d’un autre site à son propre
compte par le biais de la technique du copier coller.
Bien évidemment, nous ne saurions
encourager de telles pratiques, d’abord pour la raison évidente que des
conditions générales de ventes applicables à une activité économique en ligne
ne le sont pas ipso facto à une autre activité même s’il s’agit d’un domaine
d’activité identique ou similaire. Rédiger des conditions générales de vente
suppose une parfaite connaissance de l’activité concernée et des limites posées
tant par la loi que par la jurisprudence laquelle est en constante évolution. C’est
là la valeur ajoutée du professionnel chevronné du droit qui va, par le choix
des mots et de la tournure de ses phrases, articuler chaque clause des CGV de
la manière la plus sécurisante qui soit, en particulier s’agissant de la
délicate clause limitative de responsabilité. N’oublions pas que le client est
désormais surprotégé par l’effet du droit de la consommation qui prend de plus
en plus en considération la situation du cyberconsommateur ! Faut-il ainsi
rappeler que le Cybercommerçant est astreint à une responsabilité de plein
droit assortie de causes d’exonérations strictes, faisant ainsi peser sur lui
une épée de Damoclès quant à l’exécution correcte de la transaction réalisée
par voie électronique[1] ?
Faut-il également rappeler que la définition juridique du commerce électronique
est extrêmement large de sorte qu’elle englobe même des activités de fourniture
d’information à titre onéreux ou gracieux dès lors que celles-ci sont réalisées
en ligne !
On l’aura compris, dans un
contexte aussi évolutif, le recours à un professionnel du droit pour rédiger
ses CGV est une garantie pour plus de sécurité juridique, sachant
qu’inexorablement le Cybercommerçant
aura à faire face à des réclamations.
L’autre raison qui devrait
décourager les candidats du copier-coller de CGV, c’est le risque de sanction
judiciaire ! En effet, deux décisions de justice viennent clairement
sanctionner cette pratique :
- un premier arrêt de la Cour d’Appel de Paris du 24 septembre 2008 dans l’affaire Vente privée c/o Kalypso[2],
- puis un jugement du Tribunal de Commerce de Paris du 22 juin 2012 Alban B c/o Michaël M[3].
De manière unanime, ces décisions
considèrent que la reprise des CGV d’un site par un autre est constitutive d’un
acte de parasitisme économique justifiant l’attribution de dommage et intérêt
en réparation du préjudice causé.
On rappellera que le parasitisme
économique caractérise l’ensemble des comportements par lequel un acteur
économique s’imisse dans le sillage de l’activité économique d’autrui sans
bourse délier et afin d’en tirer profit. A la lumière de cette définition, il
n’est pas surprenant que le copier-coller de CGV ait pu être épinglé à ce titre,
puisque le copieur réalise une réelle économie en reprenant les CGV rédigées
voire achetée par un concurrent auprès d’un avocat : il s’agit d’un « avantage
concurrentiel indu » comme le soulèvent les juridictions précitées.
Le copier-coller de CGV pourrait-il d’avantage constituer une contrefaçon ? Cela supposerait alors que
les CGV puissent être considérées comme une œuvre littéraire et artistique et
donc qu’elles satisfassent à la condition d’originalité, critère impératif d’application
du droit d’auteur.
Bien que les décisions susvisées
n’aient pas retenu ce choix, cette piste n’est néanmoins pas à exclure et on
rappellera utilement un jugement du tribunal de commerce de Paris du 4
septembre 1989 considérant qu’un contrat de crédit proposé par un organisme de
crédit remplissait la condition d’originalité et dès lors pouvait bénéficier de
la qualification d’œuvres protégeables par le droit d’auteur[4].
Reste la question de
l’indemnisation du préjudice causé par ce fameux copier-coller. Les décisions
susvisées traduisent la volonté des juges d’adapter la réparation à la réalité
du préjudice dans chaque espèce, ce qui explique que la cour d’appel de Paris
ait évalué le montant des dommages et intérêt à 10 000 € dans l’affaire
venteprivée.com, contre seulement 1 000 € dans l’affaire Alban B rendue par
le Tribunal de Commerce de Paris estimant dans cette dernière que le préjudice
était limité.
Les adeptes du copier-coller de
CGV n’ont qu’à bien se tenir !
Source : CCE OCTOBRE
2012 COM 108 Anne DEBET et COM 112 Muriel CHAGNY
[1] Depuis la loi du 21 juin
2004 sur la Confiance
dans l’Economie Numérique (LCEN) ; également la loi du 3 janvier 2008 dite
« loi Chatel » qui a renforcé les droits du cyberconsommateur.
[2] CA Paris 24 sept 2008, Vente Privée.com c/o
Kalypso, CCE 2009, com 25 note A. Debet
[3] T Com Paris 15e ch, 22 juin 2012,
Alban B c/o Michaël M, CCE 2012 com 108 note A. Debet ; CCE 2012 com 112 note
M. Chagny
[4] T Com Paris 4 sept 1989,
Conofiga c/ Unibanque : Expertise 1991 n° 141 p 273
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