Avec la libéralisation des jeux et paris en ligne, c’est le
monopole de la française des jeux qui prend fin ainsi que l’exception
française sur les jeux d’argents dans l’espace économique européen.
S’ouvre ainsi un marché juteux évalué à deux ou trois milliards d’euros
par an dont un bon tiers pour le poker.
a) Une situation française qui n’était pas en phase avec le droit européen
Jusqu’à récemment, les loteries et paris sportifs étaient soumis à
un monopole d’Etat confié à la Française des jeux (par dérogation à la
loi du 21 mai 1836 interdisant les loteries) et au Pari Mutuel Urbain
(pour les paris hippiques en vertu d’une loi de 1891) : seules ces
sociétés étaient en mesure de proposer en France des jeux d’argent en
ligne. Pour ce qui est des Casinos, ceux-ci étaient astreints à une
procédure de dérogation soumise à approbation du Ministère de
l’Intérieur puisque la loi du 12 juillet 1983 interdisait les jeux de
hasard. En conséquence, les jeux d’argents en ligne offerts en France
par toute autre société étaient considérés comme illégaux par les
autorités françaises[1]. Une
situation délicate compte tenu du caractère transfrontalier d’Internet
et de la foultitude d’offres de jeux en ligne disponible à portée de
clic dans des Etats européens voisins.
Justement, cette situation n’était pas conforme au droit européen :
en effet, l’exigence d’un marché de service libre au sein de l’espace
européen (article 49 du Traité instituant la Communauté Européenne)
s’applique aux services de jeux d’argent, ce que la Cour de Justice des
Communautés Européennes a pu confirmer notamment à travers sa
jurisprudence Gambelli (2003). Il existait une contradiction pour les
autorités française à s’opposer à l’ouverture des services de jeux
d’argents tout en ayant une politique active de développement de ses
propres services via la Française des jeux. C’est pourquoi la Commission
européenne pressait depuis plusieurs années la France pour qu’elle
libéralise son marché des jeux d’argent. Une libéralisation d’autant
plus espérée avec l’impact escomptée de la coupe du monde de football
sur les paris en ligne
Avec la loi du 12 mai 2010 relative à l’ouverture à la
concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard
en ligne (http://legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000022204510#
), la France met enfin un terme aux monopoles existants et rentre dans
le rang européen. Le gouvernement a même accéléré la procédure en
envoyant les décrets d’application à Bruxelles avant le vote final de la
loi, afin de pouvoir être prêt pour la coupe du monde. C’est désormais
chose faite !
b) Une libéralisation des jeux en ligne strictement encadrée
Seuls sont visés par la nouvelle loi les jeux de cercle en ligne
(poker) et les paris hippique et sportifs ; tout autre jeux de hasard ou
d’argent, loterie en ligne reste interdit sauf exceptions au profit de
la Française des jeux et du PMU.
L’exercice de ces activités est soumis à un agrément délivré par
une nouvelle autorité fraichement créé : l’ARJEL (Autorité de Régulation
des Jeux en Ligne : http://www.arjel.fr).
L’ARJEL délivrera des licences sur la base d’un cahier des charges
auquel les opérateurs candidats devront se conformer. Ces licences sont
valables cinq ans et sont renouvelables. L’ARJEL percevra un droit fixe
auprès des opérateurs lors de chaque demande d’agrément, puis
annuellement, enfin à l’occasion de chaque renouvellement. De plus
chaque somme misée fera l’objet de prélèvements sociaux et fiscaux et le
taux de redistribution des gains s’en trouvera un plus lourdement
affecté. Les sites web des opérateurs agréés devront obligatoirement
avoir un nom de domaine en <.fr>.
L’ARJEL est en outre chargée de veiller au respect des obligations imposées par la loi.
Parmi ces obligations figurent la lutte contre la fraude, le
blanchiment d’argent et les activités de terrorisme et sur laquelle la
collaboration des opérateurs est recherchée en termes de transparence
financière. La protection des mineurs implique l’exclusion de ceux-ci
même lorsqu’ils sont émancipés à tous jeux d’argent ou de hasard et
justifie que les opérateurs exigent la date de naissance du joueur lors
de son inscription ainsi qu’à chacune de ses connexions.
Pour lutter contre le jeu excessif ou pathologique, la loi impose
que les opérateurs de jeux empêchent la participation des personnes
interdites de jeu et à cette fin lui permet d’interroger par le biais de
l’ARJEL le fichier des personnes faisant l’objet d’une telle
interdiction. L’opérateur devra également mettre en place des mécanismes
d’auto-exclusion et de modération ainsi que des dispositifs
d’autolimitation des dépôts de mise. Son site ne pourra contenir aucune
publicité ni lien hypertextes vers une publicité en faveur d’une
entreprise permettant d’obtenir des prêts d’argents aux joueurs ou entre
joueurs.
Enfin, plusieurs mesures sont destinées à lutter contre les sites
illégaux de jeux dont l’accès pourra être coupé par le juge des référés.
Ainsi, l’offre de jeu sans être titulaire d’un agrément est sanctionnée
par trois ans d’emprisonnement et 90 000 € d’amende, peines portées à
sept ans lorsque l’infraction est commise en bande organisée. La
publicité de tels sites web ou la promotion des cotes et rapports
proposés par ces sites, par quelque moyen que ce soit est réprimée par
une amende de 100 000 €.
Dans le but de constater les infractions, des agents de police ou
de douanes assermentés pourront participer sous un pseudonyme à des
échanges électroniques sur un site de jeux en ligne agréé ou non, et y
extraire toute données liées aux personnes en cause.
c) La loi ne donne aucune précision sur l’usage des dénominations des acteurs sportifs par les opérateurs de jeux en ligne
Si la nouvelle loi consacre le droit d’exploitation commerciale
sous forme de paris des manifestations sportives, elle reste en revanche
muette sur l’usage par les opérateurs de jeux, des dénominations des
acteurs sportifs : nom des joueurs, noms des clubs, nom de
l’organisateur de la manifestation… Or ces dénominations sont protégées
aussi bien par un droit de la personnalité (droit au nom, droit à
l’image) que par un droit de propriété intellectuelle (le nom du joueur
ou le nom du club sont enregistrés comme marque de commerce) : l’usage
non autorisé de ces éléments peut constituer une atteinte aux droits
respectifs en cause.
Dans ces conditions, comment un opérateur de pari en ligne peut-il
librement utiliser ces dénominations à l’occasion d’une manifestation
sportive ? En clair, un site de pari en ligne peut-il reproduire le nom
et l’image du footballeur Zinedine Zidane à l’occasion d’un match de
football ou ce joueur participe sans avoir à lui demander son
autorisation ? La même question se pour les logos des clubs comme
le PSG, l’OM et autres…qui sont protégés à titre de marque de commerce
ou même pour les noms des joueurs lorsque ceux-ci sont également déposés
à titre de marque
L’hypothèse n’est pas anecdotique et a pu donner lieu à une
jurisprudence effervescente : ainsi, le juge des référés parisien a eu à
connaître de cette question sous l’angle des droits de la personnalité
et a répondu par la négative : TGI Paris, réf, 8 juillet 2005, Real
Madrid CF, Zinedine Z, David B, Raul G et autres c/o Hilton Group Plc,
Sporting Exchange Ltd, William H. Sportingbet Plc et autres. A
l’inverse et sous l’angle du droit des marques, la Cour d’Appel de Paris
a pu considérer qu’un tel usage était constitutif de contrefaçon (CA
Paris 14 octobre 2009, FFT c/o Unibet).
Face à ces situations, la jurisprudence oscillait ainsi entre un
usage strictement nécessaire à la désignation de l’objet des paris et un
usage promotionnel à des fins publicitaires : dans le premier cas, la
responsabilité n’était pas engagée alors que dans le second oui. Or la
ligne démarquatrice entre ces deux usages est parfois difficile à
tracer, puisqu’au contraire ceux-ci ont plutôt tendance à se confondre.
Cette incertitude issue de positions jurisprudentielles différentes
aussi bien dans leur fondement juridique que dans leur solution est
source d’insécurité pour les opérateurs de paris en ligne dont la
responsabilité reste potentiellement engageable alors que l’usage de
telle dénomination est systématiquement nécessaire.
Si les dernières décisions en la matière se montrent plutôt
favorables aux opérateurs de jeux en ligne en considérant qu’un tel
usage fut il dans la vie des affaires n’est pas un usage à titre de
marque et que dès lors le grief de contrefaçon ne peut être retenu ( CA Paris 11 décembre 2009 Juventus de Turin et CA Paris 2 avril 2010 PSG),
on peut regretter que la loi présentement commentée n’ait pas saisi
l’opportunité d’apporter justement une clarification utile à la
sécurisation des paris en ligne au regard de ces usages.
[1] Thibault Verbiest et Evelyne Heffermehl, Jeux d’argent en ligne en France : vers quel cadre réglementaire ? , www.droit-technologie.org, 2006
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