lundi 4 mars 2013

Cyberespaces : Quels enjeux et quelles frontières ?

Nouveau blog, nouveau regard sur un monde virtuel en constante évolution et ou les enjeux sont sensibles, tant pour la protection des personnes que pour la préservation des fruits intellectuels.


Si l’Internet est souvent associé à l’idée de liberté, cette dernière ne saurait perdurer sans frontières. Ce premier billet dresse la scène de la complexité des situations générés par le cyberespace et auquel ce blog se propose d’apporter un décryptage.
 
 
« Gouvernements du monde industriel, géants fatigués de chair et d’acier, je viens du cyberespace, nouvelle demeure de l’esprit. Au nom de l’avenir, je vous demande, à vous qui êtes du passé, de nous laisser tranquilles. Vous n’êtes pas les bienvenus parmi nous. Vous n’avez aucun droit de souveraineté sur nos lieux de rencontre (…)
 
Vos notions juridiques de propriété, d’expression, d’identité, de mouvement et de contexte ne s’appliquent pas à nous. Elles se fondent sur la matière. Ici, il n’y a pas de matière (…)
 
Dans notre monde, tout ce que l’esprit humain est capable de créer peut être reproduit et diffusé à l’infini sans que cela ne coûte rien. La transmission globale de la pensée n’a plus besoin de vos usines pour s’accomplir (…)
 
Nous allons créer une civilisation de l’esprit dans le cyberespace. Puisse-t-elle être plus humaine et plus juste que le monde que vos gouvernements ont créé. »
 
John Perry Barlow, Déclaration d’indépendance du Cyberespace, 1996.
 
En 1996, John Perry Barlow (activiste américain co-fondateur de l’Electronic Frontier Foundation et considéré comme un des « gourous » du net), écrivit une célèbre « Déclaration d’indépendance du Cyberespace » dont quelques extraits choisis sont reproduits ci-dessus. Nous étions aux débuts de l’Internet grand public.
 
Pour provocante qu’elle soit, cette déclaration n’en demeure pas moins intéressante puisqu’elle posait clairement la question de l’applicabilité ou non des règles juridiques régissant le monde réel à un espace totalement virtuel : l’Internet !
 
L’Internet, est-il un Eldorado virtuel ou la liberté serait le maitre mot sans qu’aucune limite ne puisse y être portée ? Si oui, comme le soutient M. Barlow, alors il n’y aurait aucune propriété, aucune restriction, aucune contrainte s’imposant aux internautes qui bénéficieraient d’un blanc seing pour agir en ligne sans aucunes limites ! Seule compterait la transmission globale de la pensée ce qui avait poussé M. Barlow à écrire également : « Everything you always knew about Intellectual Property is wrong ! ».++++
 
Le cyberespace ne doit pas échapper à la législation
 
Quinze ans plus tard, à l’aube du web 3.0, la portée de cette déclaration doit être relativisée : les Etats ont adoptés des textes de loi destinés à régir l’Internet ou plus exactement encadrer l’exercice des libertés sur Internet (US Digital Millenium Copyright Act 1998, Directives européennes Commerce Electronique, DADVSI, Données personnelles….) ; une jurisprudence foisonnante et souvent novatrice montre chaque jour que l’Internet n’est pas une zone de non-droit et que les règles juridiques du monde réel peuvent parfaitement embrasser les situations inédites du monde virtuel sans qu’il soit besoin d’inventer un nouveau droit pour ce nouveau monde.
 
Aujourd’hui, il n’est plus contestable que le cyberespace n’échappe pas à la législation du monde réel, que celle-ci est même INDISPENSABLE pour pouvoir préserver la liberté régnant sur l’Internet. Toute liberté n’a-t-elle pas besoin de bornes pour pouvoir perdurer ?
 
Au contraire, la fulgurante évolution du Cyberespace et de ce que l’on nomme les Technologies de l’Information et de la Communication posent en permanence de nouvelles problématiques, de nouveaux défis avec à la clef des enjeux cruciaux !
 
Ainsi les autoroutes de l’information prennent d’abord la forme de câbles de fibres optiques souterrains voire sous-marins permettant de raccorder les pays à l’Internet haut-débit. A coté de la route du pétrole et du gaz, la route des câbles de télécommunications a fait son apparition. Les enjeux qui y sont liés sont considérables comme l’illustre l’historique des tarifs du câble SAFE qui est pour l’heure le seul à assurer la connectivité de La Réunion aux backbones mondiaux.
 
De même le développement de l’économie numérique, même en temps de crise si l’on se fie aux informations de la FEVAD (Fédération du E-commerce et de la Vente à Distance), témoigne de la vitalité du secteur http://www.fevad.com/images/Etudes/autres_etudes/chiffres_cle_2009.pdf ). Ce qui fait l’originalité du e-commerce, ce n’est pas seulement que l’ensemble de la transaction soit dématérialisé (contrat en ligne), c’est aussi que l’objet même de la transaction porte sur une prestation dématérialisée : téléchargement de logiciels, achat de fichiers musicaux, accès à une base de données en ligne… Les comportements ont évolués et les consommateurs sont devenus des CYBERCONSOMMATEURS réclamant le bénéfice de protection accrue face aux incertitudes du net. Comment assurer cette protection ?++++
 
Une cybercriminalité en vogue
 
Dans ce monde totalement dématérialisé, tout n’est qu’information. Or derrière le vocable « information », l’acte de création intellectuelle reste permanent. Même si les technologies sans cesse plus performantes permettent de reproduire et rendre accessible à l’infini des « informations », celles-ci n’en demeurent pas moins protégées par des droits de propriété intellectuelle, dont l’une des finalités est d’assurer une rémunération à ses titulaires sans qui l’effort créatif n’existerait pas. Or, bousculé par l’insolence des techniques et des utilisateurs, la propriété intellectuelle doit elle s’effacer devant la gratuité revendiquée par les internautes sans qu’une quelconque rémunération puisse être offerte aux créateurs ?
 
Et que dire de la multiplication des réseaux sociaux en ligne lesquels aspirent toujours plus la vie privée des individus pour l’exhiber, la valoriser, voire la commercialiser ? Si l’Internet permet de rapprocher les individus, n’est ce pas au sacrifice du véritable contact humain auquel on privilégie désormais le contact du clavier. Dans cet immense concert des clics et des téléchargements, le profilage des individus et la marchandisation des données personnelles imposent que des garanties soient apportées à la protection des personnes. 
 
Enfin, l’apparition d’une délinquance désormais électronique, révèle une nouvelle forme de déviance ainsi que les limites du « tout liberté ». La CYBERCRIMINALITE revêt ainsi de multiples visages : mail bombing, phishing, fraude informatique, pédopornographie… Des infractions inédites ayant pour support le cyberespace et auxquels des réponses adaptées ont du être apportées.
 
Les quelques exemples ci-dessus illustrent toute la complexité des situations générées par le Cyberespace et la nécessité de poser des frontières à celui-ci justement pour préserver les libertés de chacun.
 
Tel est l’objet d’étude de ce nouveau blog : offrir un décryptage des enjeux du cyberespace et de l’économie numérique, des libertés en jeu et des frontières applicables ; offrir au lecteur un regard critique sur un domaine pointu ou l’intervention du droit est souvent mal comprise. Qu’il s’agisse de la loi HADOPI, ou de la récente condamnation du site e-bay pour contrefaçon de marques, ce blog se propose de poser un à un les enjeux du débat afin d’éveiller et d’alerter l’esprit critique du lecteur pour qu’il se saisisse lui aussi de ces problématiques souvent jugés très techniques.
 
Car, le secteur des TIC reste porteur de croissance et de richesses malgré les incidences de la crise financière actuelle. La matière première ce n’est plus le charbon et l’acier, mais plutôt la faculté de pouvoir accéder à tel ou tel service ou encore à tel ou tel RESEAU. C’est dans cette « civilisation de l’accès » dans laquelle nous vivons aujourd’hui (pour paraphraser l’économiste américain Jérémy Rifkin, The age of access, 2000 : http://www.demo.magusine.net/IMG/pdf/jeremy_rifkin_acces.pdf ) qu’il nous faut également développer et valoriser notre savoir faire afin de positionner la Réunion comme un laboratoire compétitif de matière grise !

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